Donnons corps à l’universalisme européen

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À quelques semaines de l’élection européenne, il n’est pas inutile de rappeler que l’aventure européenne est l’une des plus salutaires qui se soit offerte à nos peuples depuis la fin de la guerre de 1939-1945.

Et pourtant elle se présente aujourd’hui sous les traits d’institutions abstraites éloignées des enjeux de la vie quotidienne. Comme le dit Jacques Levy dans le grand entretien qui suit, nos pays ont besoin d’une démocratie inter­active, d’une participation réelle des peuples aux décisions qui s’ajoute à la démocratie représentative. Battue en brèche par tous ceux qui rêvent de s’en tenir à l’entre soi des souverainetés nationales, l’Europe a besoin d’un second souffle, d’autant que le lâchage américain et le retrait britannique incitent à transformer le continent en « l’homme malade » du XXIe siècle.

Dans notre dossier, nous faisons le tour de ces partis populistes europhobes et de leurs fantasmes qui ont défrayé la chronique depuis quelques années. Comme l’affirment trente écrivains de tous pays, « il y a le feu à la maison Europe, il faut sonner l’alarme contre les incendiaires des âmes qui, de Paris à Rome en passant par Dresde, Barcelone, Budapest, Vienne ou Varsovie jouent avec le feu de nos libertés1 ». Nous vous présentons dans cette livraison de notre magazine la carte de l’Europe populiste et une analyse de l’idéologie des partis europhobes. Quand la liberté de la presse est menacée comme en Hongrie ou en Pologne, quand la séparation des pouvoirs est attaquée, quand il est fait bon marché des valeurs européennes à l’initiative de la coalition au pouvoir en Italie ou en Autriche, quand des partis comme Vox en Espagne ou l’extrême droite des « Démocrates de Suède » tiennent le haut du pavé, il est plus que nécessaire de refonder la démocratie européenne.

120 intellectuels et responsables politiques2 ont proposé dans un manifeste pour la démocratisation de l’Europe de prendre en compte les mobilisations citoyennes en leur donnant des possibilités institutionnelles d’expression sans pour autant dévaloriser le Parlement européen (qui serait restructuré autour des parlementaires nationaux) comme instance représentative. Thomas Piketty s’est fait le porte-parole de ceux qui veulent revivifier la démocratie européenne en proposant notamment une fiscalité plus juste, un budget qui se fixerait pour objectif de réduire les inégalités et d’impulser la production de biens publics dans le cadre d’une économie durable et solidaire ; on arracherait enfin l’Europe au sempiternel immobilisme des négociations intergouvernementales. Mais, si on veut relancer l’aventure européenne, il faut aller plus loin et donner à notre culture européenne toute sa place.

L’Europe est d’abord un principe d’universalité. Elle n’est pas une forteresse entourée de misère et de pauvreté, sans accueil pour les réfugiés, mais un continent où une société moderne, ouverte et engagée met en œuvre un droit d’asile avec lequel il ne devrait pas être question de chipoter. Les rêves d’égalité et le désir de liberté que l’après-guerre de 1939-1945 a engendrés doivent à nouveau s’incarner dans l’innovation donnant corps au pouvoir de se réinventer, de réinventer l’égalité des chances, l’accès aux droits et à la culture pour tous. Les initiatives de la société civile portent partout, au quotidien, l’universalité des droits avec une force considérable. Donnons-leur un débouché politique !

Antoine Spire

1. www.liberation.fr/auteur/19353-un-collectif-d-ecrivains-internationaux.

2. http://tdem.eu/en/manifesto.

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