ActualitésPièce d'Eschyle bloquée pour "racisme": "Une pratique de terreur", s'alarme son metteur...

Pièce d’Eschyle bloquée pour “racisme”: “Une pratique de terreur”, s’alarme son metteur en scène

SourceMarianne

La LICRA condamne cette atteinte à la liberté artistique qui conduit à censurer Eschyle. La dérive de certaines officines prétendument “antiracistes” et soutenue par un syndicalisme étudiant à la dérive est un motif de colère et d’inquiétude. Ce n’est pas en faisant censurer des pièces de théâtre, en passant la mise en scène de certaines pièces sous les fourches caudines des obsessions identitaires que nous lutterons efficacement et au quotidien contre le racisme et les discriminations.

Des militants se réclamant de l’antiracisme ont empêché ce lundi 25 mars une représentation des “Suppliantes”, du poète antique Eschyle, à la Sorbonne, assimilant les masques sombres portés par les acteurs à la pratique raciste du “blackface”. Ils exigent la fin des représentations, des excuses de l’université ainsi qu’un colloque de rééducation.

L’art de tout confondre. Le soir de ce lundi 25 mars, une cinquantaine de militants se revendiquant de l’antiracisme ont empêché une représentation à la Sorbonne des Suppliantes, du poète antique Eschyle. Raison de leur action : le maquillage et les masques sombres utilisés par les acteurs s’apparenteraient au “blackface”, issu du folklore ségrégationniste américain, quand un comédien blanc se peignait le visage en noir pour incarner une caricature raciste d’une personne noire.

La pièce, mise en scène par Philippe Brunet dans le cadre du festival de théâtre “Les Dionysies”, présente l’affrontement entre les Grecs d’Argos, à la peau blanche, et les Danaïdes venues des bords du Nil, à la peau foncée. Pour figurer cette opposition, l’helléniste de renom et sa troupe, Démodocos, ont d’abord utilisé un maquillage sombre puis, une fois que ceux-ci ont été achevés, des masques cuivrés correspondant aux codes du théâtre antique. “Il n’y a pas de malveillance mais au contraire une volonté de mettre en valeur les influences africaines. Vouloir gommer cet héritage, c’est ça le contresens, la déformation historique”, plaide auprès de Marianne le metteur en scène, se désolant : “Ces associations importent une problématique raciste américaine dans une culture méditerranéenne qui est au contraire celle du mélange”.

LE CRAN ET L’UNEF CRIENT AU RACISME

Il n’en fallait pas plus, cependant, pour qu’une cinquantaine de militants de la Ligue de défense noire africaine (LDNA), de la Brigade anti-négrophobie (Ban) et du Conseil représentatif des associations noires (Cran) appellent au boycott de la pièce et se rendent devant les portes de l’université parisienne pour bloquer l’accès à la salle. Dès le 22 mars, le Cran (auquel la LDNA et le Ban disputent aujourd’hui la victoire dans la “bataille de la Sorbonne”publiait un communiqué dans lequel la représentation des Suppliantes se trouvait dépeinte en “propagande afrophobe, colonialiste et raciste”. “Il n’y a pas un bon et mauvais ‘blackface’, de même qu’il n’y a pas un bon et un mauvais racisme”, clame ce mercredi dans Le Monde le président d’honneur du Cran, Louis-Georges Tin.

Les associations ont reçu le soutien du syndicat étudiant Unef, qui a lui aussi dégainé son communiqué indigné vendredi dernier : “Dans un contexte de racisme omniprésent à l’échelle nationale dans notre pays, nos campus universitaires restent malheureusement perméables au reste de la société, perpétrant des schémas racistes en leur sein“, y déplore la section syndicale de Paris IV, exigeant des excuses de l’université.

Les Suppliantes étaient condamnées d’avance par ces forces militantes. “Douze personnes s’étaient introduites en coulisses avant l’arrivée des comédiens”, relate Philippe Brunet. Et pas moyen d’ouvrir un dialogue : “Je leur ai proposé de jouer la pièce devant eux pour qu’elles puissent juger, elles ont refusé”.Samedi, sur Facebook, le metteur en scène avait pourtant essayé de désamorcer la polémique naissante. “Il y a une différence d’ethnie géographique, pas de race. Aucun racialisme là-dedans, aucun racisme encore moins de notre part. (…) Le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités. Le grotesque n’a pas de couleur”, faisait-il valoir. “S’il y a des filles noires qui veulent jouer, elles sont bienvenues, mais je ne vais pas faire une sélection raciale !”, ajoute Philippe Brunet auprès de Marianne.

LA SORBONNE POINTE UN “CONTRESENS TOTAL”

Ce mardi, la Sorbonne dénonce dans un communiqué “une atteinte très grave et totalement injustifiée, à la liberté de création”. L’université, dont le président a assuré à la troupe Démodocos qu’une nouvelle représentation de la pièce serait organisée, “apporte son soutien plein et entier au metteur en scène de cette pièce, aux actrices et acteurs et à toutes les personnes impliquées dans l’organisation de cette représentation“, et regrette “un contresens total”.

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, et Franck Riester, ministre de la Culture, ont quant à eux condamné, dans un communiqué publié ce mercredi, “une atteinte sans précédent à la liberté d’expression et de création dans l’espace universitaire, qui est contraire à toutes les valeurs académiques et aux principes républicains”. Les militants se réclamant de l’antiracisme boivent le calice jusqu’à la lie, puisque, à la demande des ministres, la pièce “sera accueillie dans le cadre privilégié du grand amphithéâtre de la Sorbonne, où elle se déroulera dans les meilleurs conditions”

“PRATIQUE DE TERREUR”

Aux yeux de Philippe Brunet, ce coup de force est en tout cas un signal inquiétant : “Il y a une pratique de terreur, à la fois physique et sur les réseaux sociaux“, s’alarme le spécialiste de la scansion du grec ancien. “Malheureusement, ces militants rompent avec la tradition universaliste de la France. Ces associations deviennent tenantes de l’ordre moral, et adoptent des conduites fascistes. Elles ont le droit de boycotter la pièce, mais pas de se comporter en censeurs”.

Lundi soir, dans un nouveau communiqué, le Cran réclamait même la tenue d’un colloque – de rééducation, donc – sur l’histoire du “blackfaceé”, “en présence de ce metteur en scène, de la direction du centre culturel et du doyen de cette université”. “Ce sera une sorte de réparation”, estime le président de l’association, Ghyslain Vedeux. Malgré tout, les autres dates de représentation des Dionysies sont maintenues jusqu’au 30 mars.

LIRE LA SUITE SUR :Marianne

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

2 Commentaires

  1. Le CRAN a depuis longtemps basculé dans un discours raciste proche de celui de l’extrême droite décoloniale.. Il ne faut jamais oublier qu’à toutes les époques et dans tous les pays la culture est toujours l’une des cibles privilégiées du fascisme.

  2. La connerie dessert les idéaux qu’elle prétend défendre. Ici l’on pense à ces spectateurs des “Mystères” du Moyen-âge qui lapidaient les acteurs interprètes de Judas et Pilate.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre commentaire apparaîtra après modération. Veillez à respecter la législation française en vigueur.

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Suivez-nous

118,227AbonnésJ'aime
1,268AbonnésSuivre
43,828AbonnésSuivre

Rejoignez-nous

Newsletter