1 jour, 1 texte. Pierre Mendès France, « Pour une politique constructive de l’antiracisme », Le Droit de Vivre, novembre 1966

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Pierre Mendes France (1907-1982) est un homme d’État Français. Actif dans les mouvements étudiants où il a fort affaire avec l’extrême droite, il devient avocat en 1928. Il est élu député de l’Eure en 1932 et devient maire de Louviers en 1935. Il est la cible récurrente d’attaques antisémites, en particulier celles de l’Action française qui le présente comme un « Français de ghetto ». Il apporte son soutien à la LICA en 1936 et se prononce alors en faveur d’une loi contre le racisme. Au moment de la défaite militaire de la France, en 1940, il tente de rejoindre l’Afrique du Nord à bord du Massilia. Arrêté au Maroc, il est accusé de désertion et incarcéré par Vichy. Condamné en mai 1941, il s’échappe de la prison de Clermont-Ferrand et rejoint le général de Gaulle à Londres en février 1942. Il s’engage d’abord dans les Forces aériennes françaises libres avant d’intégrer le Gouvernement provisoire de la République française au sein duquel il est ministre de l’Économie nationale.Député au lendemain de la guerre (1946-1958, 1967-1968), Pierre Mendès France est nommé président du Conseil en juin 1954. Il conclut la paix en Indochine et prépare l’indépendance de la Tunisie et du Maroc. Les attaques antisémites redoublent contre celui qui se voit accuser de brader l’empire colonial. Son gouvernement est renversé en février 1955 sur la question algérienne.Bien que son expérience gouvernementale ait été brève, Pierre Mendès France est demeuré en politique une figure majeure, alliant exigence morale, pragmatisme et rigueur.Après la guerre, il conserve ses liens avec la LICA, honorant certains de ses événements. Le texte suivant est paru dans Le Droit de Vivre en novembre 1966. Il est l’un des rares où l’homme politique évoque très concrètement la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

« Le « Droit de Vivre » nous rappelle, dans chacun de ses numéros, que le racisme survit et persiste dans de nombreuses parties du monde – et parfois même en France. Si les travaux remarquables publiés par l’UNESCO ont réduit à néant, sur le plan scientifique, les préjugés et les stéréotypes qui alimentent ce sait sociologique si néfaste et si révoltant, par contre, l’étude des moyens de combattre et de réduire le racisme, là où il sévit, n’a pas donné lieu à un effort de réflexion aussi approfondi. C’est pourquoi il me paraît utile de soumettre à ceux qui ont ce problème à cœur quelques remarques qui pourraient servir de base pour la détermination d’une politique constructive.

Trois sortes de mesures peuvent être envisagées contre le racisme. Des mesures juridiques, des mesures éducatives, d’autres enfin qui relèvent d’une action économique et sociale.

Les premières peuvent être mises en œuvre sans délai, si les Pouvoirs publics ont la volonté d’agir dans ce domaine. Interdiction des publications de caractère raciste, répression de la provocation à la haine et à la discrimination, etc., etc. Une législation dans ce sens est indispensable dans un État démocratique. Elle doit être appliquée de manière à ne pas renforcer les tendances racistes, mais, néanmoins, avec diligence, rigueur et continuité. À cet égard, il y aurait beaucoup à dire sur la tolérance dont jouissent aujourd’hui beaucoup de publications, rappelant des temps qu’on voudrait croire révolus.

Les mesures éducatives sont plus importantes encore. C’est au stade de l’éducation de base que les préjugés se développent et marquent les jeunes esprits. En ce sens, tout ce qui concourt à éliminer les incitations au racisme et à favoriser, au contraire, l’esprit de fraternité entre les hommes doit être encouragé systématiquement à l’école. Il est peu probable qu’un enfant élevé, de nos jours, dans une école publique devienne raciste, car son expérience scolaire le détourne des préjugés et des stéréotypes du racisme.

Mais ce n’est pas tout. Le racisme se développe dans des groupes sociaux que l’éducation démocratique atteint insuffisamment, surtout lorsque ces groupes se trouvent dans des situations propices aux réactions de type fasciste ou raciste. Nous connaissons bien, hélas, les situations psycho-sociologiques qui accompagnent toujours la dégradation de la condition économique de tel ou tel groupe dont les réactions racistes traduisent les sentiments de frustration, d’humiliation, de découragement. Dans d’autres cas, c’est un système économique tout entier qui est en cause. »

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