L’antisémitisme se libère. Ce samedi, en plein Paris, le magasin “Bagelstein” du 4ème arrondissement de Paris a été tagué de la mention “Juden”. Nous ne sommes pas à Berlin en 1938 mais bien à Paris en 2019. La LICRA sera aux côtés de cette enseigne.
Tout doit être mis en oeuvre pour que les antisémites qui ont vomi leur haine sur cette vitrine soient retrouvés et condamnés avec la fermeté que les circonstances imposent. L’antisémitisme n’est pas le problème des juifs, il nous concerne tous et comme l’a encore rappelé récemment Delphine Horvilleur, il est un “clignotant qui annonce que le système est menacé ou en faillite”
Nous reproduisons ici les mots de Johann Sfar dont la réaction mérite d’être lue et méditée :
« Je garde un silence de tombe depuis cette histoire de gilets jaunes. Car je sais ce qu’on va me répondre. C’est bizarre ce moment où l’on se dit qu’il est inutile de parler. On ne parvient même pas à se souvenir du nombre de banderoles ou cris ou graffitis antijuifs qui ont explosé depuis le début du mouvement. Jamais une formation ou un syndicat n’a aussi unanimement refusé de réprouver de tels débordements. Il y aurait eu de tels graffitis antisémites à un défilé de n’importe quel grand parti ou syndicat, ça aurait fait un scandale justifié. Même à un défilé du Front National, ils auraient eu trois procès et Marine Le Pen aurait exclu du monde!!! Ici, non. Ici, personne n’a rien vu, n’y est pour rien, n’en pense rien.Jamais la culture de l’excuse ne s’est aussi bien portée. Personne n’est représentant ni responsable ni comptable de rien. Je suis davantage inquiet par la multitude qui se satisfait de telles explications que par les quelques ordures qui tiennent effectivement la bombe de peinture. Et cette légende qui a cours en ce moment, selon laquelle la colère de la foule serait un moment sacré qui ne débouche que sur du vrai, du bien et du beau! La foule a accompagné sans coup férir tous les changements de régimes, des plus bénéfiques aux pires.
Le peuple, oui, c’est une notion que je comprends et que je respecte. Le peuple français, ce sont soixante millions de personnes. La foule, c’est autre chose, c’est une occasion, aussi, de montrer ce qu’on a de plus laid. Cette idée que l’on est légitime dès lors qu’on est violent, et qu’on a raison puisqu’on souffre, ce fut le combustible des pires meurtres du siècle passé. On se dit sans doute que les garde-fous ont sauté, une génération plus jeune est là, qui a oublié, ou qu’on manipule plus facilement. Soyez certains que ceux qui jouent avec votre haine et votre désespoir n’ont rien oublié.
Celui qui a choisi d’écrire “JUIF” en allemand sur cette boutique sait très bien qu’il pense aux vitrines de la nuit de cristal. Il faut se taire, je crois, parce que plus personne n’a envie d’entendre. N’importe quelle alerte grave ne débouche aujourd’hui que sur une controverse twitter. La culpabilité sociale est telle sur nos chaines de télé et chez les commentateurs que n’importe quelle réaction sensée face à ces dérives passe pour un soutien au gouvernement Macron. Oui, on a le droit d’être en opposition totale avec de nombreuses décisions du gouvernement actuel tout en ne trouvant aucune excuse à ceux et celles qui utilisent le désespoir des gens pour attiser, une fois encore, la haine raciale, le fantasme sur le juif, sur le franc-maçon, prétendument tous riches et puissants bien entendu, ou la haine de l’immigré. Tout ça, c’est inacceptable. Je ne comprends pas ceux qui participent à ces manifestations et choisissent depuis le début de ce mouvement de minimiser son contenu raciste et antisémite. ce n’est pas un ou dix, ce sont des centaines de graffitis ou de tweets anti-juifs depuis le début de cette histoire.
Et il faut encore subir les durs d’oreille qui m’expliquent que ce n’est pas représentatif. Pas représentatif ? C’est une constante depuis les origines de ce mouvement. Ce qui est représentatif, c’est la lâcheté de ceux qui regardent ailleurs, y compris parmi les commentateurs, trop contents de s’acheter une caution peuple. L’écrivain installé, le comique ou le comédien qui en fait des caisses sur “nous le peuple”, en général il fait silence radio sur ces graffitis. Vous en avez pas marre de cette constante du “ces éléments ne sont pas représentatifs du mouvement”? ce qui est représentatif, ce sont tous ces gens qui regardent ailleurs quand on écrit “JUDEN” sur une vitrine.
A croire que le connard qui taguait a fait ça à quatre heures du matin et pas pendant une manif noire de monde. Moi je ne pourrais pas faire UN PAS dans la rue aux côtés d’une clique qui ne loupe jamais une occasion de s’en prendre un coup aux migrants, un coup aux juifs, un coup aux francs maçons. Tous ceux que “ça ne dérange pas”, ou qui “considèrent que le peuple a des choses à dire et tant pis si ça fait pas plaisir”, vous avez un sacré mépris pour le peuple! Si vous croyez que le peuple, ce sont ces ordures, vous avez une bien basse idée du peuple français. »
Français juif vivant en Allemagne et voyant cette image apparaître sur mon fil twitter ce matin, j’étais partagé entre une envie de partir d’un fou rire (“mais quel est l’abruti qui a bien suivi son cours d’histoire et a cru sur un malentendu que c’était un exemple à suivre??”) ou sombrer dans la mélancholie pour la journée (la semaine?). Les deux s’annulant, je vais pas trop mal merci.
Même a 1000 km dans le pays d’à côté, on entend l’antisémitisme jaillissant des rangs des gilets jaunes et leurs sympathisants, figurez vous. D’ailleurs, on a pas besoin de faire de grands efforts.
Macron ayant travaillé chez la Banque Rothshild (à la synagogue l’autre jour on se disait justement que l’écrasante majorité des Rothshilds ne sont plus juifs d’ailleurs – mais les antisémites professionels ont zappé la mise a jour de leur logiciel apparemment), il est accusé d’une chose tout à fait étonnante: d’être “Juif par association pour cause de profession”. Ainsi on voit éclore des slogans antisémites *contre Macron* -pourtant catho de province BCBG – comme autant de fleurs du mal.
Du temps de Pompidou, lui aussi ancien de Rothschild, je doute qu’il ait fait l’objet de ce genre d’attaques (je suis trop jeune pour l’avoir connu, mais aînés sauront éclaircir ce point).
Déjà en mai 2018, lors de la manifestation parisienne organisée à l’appel de la FI intitulée “la Fête à Macron”, on trouvait des pancartes avec des textes du genre “Macaaron Sioniste Escroc “. Le mannequin grandeur nature (sensé représenter Macron) avec une couronne sur la tête et un nez crochu (“Roi des Juifs”) en potence avec des billets débordants des poches de son costume, des bottes jaunes pointues au pieds, et faisant un doigt d’honneur était pas mal non plus… dans l’indifférence universelle de cette gauche “insoumise” (insoumise à qui? Merkel? le “système”? “Le Grand Capital”??…), comme le pointe Sfar.
Et maintenant, on en est en 2019 à ce que certains trouvent désopilant de refaire la décoration avec des paroles antijuives de vitrines de magasins aux noms qui auraient des “consonnances”.
À quand les tags sur les portes des domiciles des juifs?
Et pourtant, il s’en trouve encore pour dire “Les juifs, toujours à la ramener, de quoi ils se plaignent, ils exagèrent, ils sont paranos…” etc… on entend la même chanson en Allemagne, à ceci près que les Allemands qui l’entonnent ont tendance à la chanter faux…
Ceci dit, ça reste abusif pour l’instant de mettre ce tag là sur le compte des gilets jaunes. Le contexte de ce mouvement par contre est leur travail et c’est ce mouvement qui a remis à la mode les tags et grafitis politiques. Dans le sillon de cette mode et dans un contexte de résurgence de la parole antisémite publique (entres autres favorisée par internet), on voit apparaître ce genre d’infamie.
Je peux juste constater qu’avant le 11 septembre, pendant les “swinging nineties”, on se tamponnait le coquillard d’une queue de vache goudronnée de la religion de son voisin ou camarade de classe. 20 ans plus tard, on a besoin de policiers ou soldats devant chaque synagogue ou mosquée.
Pendant ce temps-là, en Angleterre, le parti travailliste de Corbyn prouve chaque jour un peu plus qu’il est devenu institutionnellement antisémite – dans l’indifférence unanime de la gauche européenne.
A quand le tour de la France Insoumise?
Tiens en fait, vous reprendrez bien un petit dernier pour la route: vous saviez que 11% de l’électorat de Mélenchon ( soit circa 776.000 Insoumis) à voté Le Pen au second tour? Et que 1.9 millions d’électeurs de gauche disaient pencher pour Le Pen par rejet de Macron – 20% de la gauche française!!!!
Voilà, bonne semaine à tous et soyez saufs!
Je serai curieux de voir la qualité des “preuves de l’antisémitisme institutionnel du parti travailliste” que vous saurez nous présenter pour affirmer vos dires…
<> J.Jaurès n’a pas pris une ride
Bonjour,
Je suis désespérée et outrée par cette inscription qui nous rappelle des heures pas seulement tristes, pas seulement sombres, mais fondamentalement inacceptables, par leur cruauté, leur entreprise génocidaire, dont nous ne nous remettrons vraisemblablement jamais, car nous n’avons pas seulement fait la preuve en tant qu’êtres humains de notre capacité de nuisance de communauté (au sens étriqué du terme) à communauté, mais que l’enseignement de l’histoire n’est porteur ni d’authentique repentance, ni de leçons pour lutter contre les facteurs aggravants de nos plus sales penchants.
Mes grands parents ont fait ce qu’ils ont pu depuis leur modeste condition pour tenter d’éviter le pire à divers titres à ceux et celles qui furent menacés par la barbarie nazie. Ils ont élevé leurs enfants et petits enfants pour qu’ils restent éveillés, sachant que la nauséabonde rampance n’était pas éradiquée. Ils avaient peut-être naïvement pensé que l’hydre mettrait plus de temps à relever ses têtes monstrueuses. Mais voilà, nous y sommes. Et Joann Sfar a le droit de reprocher aux gens de la génération de mes parents et de ma génération de ne pas avoir été assez attentifs ni assez vindicatifs contre ceux et celles qui montrent depuis longtemps leurs hideux visages, injurieux, profanateurs, ostensiblement nostalgiques du nazisme. Je veux bien entendre que je n’ai pas trouvé assez tôt ni les mots, ni les moyens d’action pour lutter contre la pestilence. Ça me hante. J’en demande sincèrement et humblement pardon.
Mais je suis aussi désespérée, que par principe, on en reporte la faute sur les gilets jaunes, que Joann Sfar porte ce message, dont on comprend bien qu’il vise d’autres gens que ces manifestants en réalité et que la Licra publie ce texte, sans droit de réponse.
J’ai fait partie de ceux et celles qui ont crié haro sur le baudet au tout début du mouvement, parce que je ne voyais que ce qui se passait près de chez moi. Et c’était hideux. Je l’ai dénoncé ( je fais partie de ces Insoumis qui sont en réalité dans le viseur de Joann Sfar qui nous a habillés pour les cent prochains hivers; à sa décharge, il n’est pas le seul), mais j’ai continué à me tenir au courant de ce qui se passait sur les ronds-points et à m’intéresser aux publications de cet homme. Et les lignes ont bougé. Et les revendications se sont précisées.
Et deux tendances se sont clairement dessinées, l’une que je continue de dénoncer haineuse et l’autre manifestement et heureusement humaniste, pacifiste et généreuse. Qui a des yeux pour voir a dû faire ce même honnête constat.
Mon gilet demeure fuchsia et le restera vraisemblablement jusqu’au bout ; dans ce cadre, je continue de participer à la rédaction d’un blog syndical antifasciste (commencé pendant l’été 2018 et abondé de nos luttes quotidiennes dans nos établissements scolaires pour s’élever contre le racisme et l’antisémitisme et autres manifestations haineuses), résolument en recherche de pistes de travail contre les méchants penchants d’élèves de plus en plus nombreux, influencés par les idéaux nationalistes, voire fascistes, voire racistes, voire antisémites.
Pour autant, malgré la bicéphalie de ce mouvement populaire, malgré ce que je vois sur le terrain, je me refuse à penser que ce sont forcément des gilets jaunes qui ont écrit cette saloperie. Y aura-t-il une enquête ? J’espère que oui et qu’elle aboutira quelles qu’en soient les conclusions. Rien ne justifie que l’on se conduise comme les haineux et que l’on accuse sans preuve, par principe.
Pour conclure, il se peut par ailleurs que les critiques que nous avons émises dès le mois d’octobre (j’ai reçu le premier appel pendant les vacances de Toussaint) aient obligé les gilets jaunes humanistes à préciser leurs revendications et parmi elles “fâchés mais pas fachos”. Peut-être que ceux-ci trouveront le moyen de se faire reconnaître en utilisant un autre objet symbolique que le gilet jaune, sans pour autant renier leurs revendications humanistes.
Personnellement, ce qui me fais le plus peur c’est la réaction de la communauté juive dont je fais partie…
“Si on ignore le problème, il va disparaitre.”