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1 jour, 1 texte #13 : Léon Blum, « Contre le racisme », 26 novembre 1938

« Pour moi, je me fais des choses une idée que vous allez peut-être trouver bien simple, bien rudimentaire, mais je ne peux pas me les représenter autrement : Vous êtes chez vous, la nuit, à la campagne. À quelques kilomètres de là éclate un cataclysme naturel, une catastrophe naturelle, soit l’incendie, soit l’inondation. Des hommes sont là, des femmes sont là, des enfants sont là qui fuient à travers champs, demi-nus, tremblants déjà de froid, menacés par la faim. Votre maison est peut-être déjà pleine, c’est possible, mais quand ils frappent à votre porte, vous la leur ouvrez et vous ne leur demandez pour cela ni leurs pièces d’état civil, ni leur casier judiciaire, ni leur certificat de vaccins. Il y a là un devoir d’humanité élémentaire, je dirais presque, si les mots n’avaient pas l’air de jurer ensemble, d’humanité animale.

Naturellement, ces malheureux ne pourront pas rester toujours là, c’est entendu. Naturellement, il faudra trouver des solutions ayant un caractère de stabilité et de durée, mais enfin pour l’instant, en attendant qu’eux-mêmes ailleurs trouvent un gîte plus sûr et plus durable, comment allez-vous leur refuser l’asile d’une nuit ?

(…) Voilà, mes chers amis, ce que je voulais vous dire ce soir. Et ce n’est pas parce que nous sommes ici réunis dans cette atmosphère, à cause du milieu, à cause des circonstances que je veux malgré tout achever des paroles aussi amères que celles que je viens de prononcer par des mots d’espoir, cet espoir que je porte jusqu’au plus profond de moi-même.

Je ne crois pas que la catastrophe de l’humanité soit irréparable. Je suis sûr que la civilisation reprendra son chemin. Une éclipse peut se prolonger, elle ne supprime pas pour cela le soleil. En face de quoi sommes-nous ? Au bout du compte, pour moi, je crois que ce qui se passe c’est, selon des modalités particulières à certains pays, explicables par leur histoire intérieure, une des formes du délire mental qui a plus ou moins frappé l’humanité entière après la guerre de 1914-1918. L’humanité a été « choquée » au sens pathologique du mot, elle a été commotionnée, et c’est ce choc, cette commotion qui dans certains territoires du globe — et pour des raisons que l’on pourrait reconstituer- ont pris des formes étranges et barbares.

Cela ne s’était pas vu depuis des siècles. Depuis combien de siècles l’humanité avait-elle connu quelque chose qui l’eût agitée à ce point dans les profondeurs ? Ne vous étonnez pas, il n’y a pas de disproportion entre les faits et la cause. Depuis la guerre, l’humanité a connu d’étranges maladies et cela en est une à bien des égards et la pire de toutes. Mais l’humanité guérira, l’humanité guérira parce qu’elle doit continuer à vivre. Il faut donc supporter l’épreuve avec confiance, la supporter avec courage, sans égoïsme, sans forfanterie, sans peur, sans honte. Il faut bannir de soi toutes les formes mesquines et si facilement dégradantes de la plainte. Il faut être digne de soi-même. Il faut être digne de son passé et de ses origines. Il faut être calme et courageux. Il faut avoir confiance dans l’avenir de l’humanité. Nous traversons à bien des égards une phase périlleuse et cruelle de l’histoire, mais nous verrons d’autres jours, et après nous les enfants de nos enfants et les enfants de nos petits-enfants. »

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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