Jane Vialle est née le 27 août 1906 à Ouesso (actuelle République du Congo), d’une mère congolaise et d’un père français. Elle grandit à Bangassou (actuelle République centrafricaine) et rejoint la métropole avec son père, au moment de la mobilisation générale, en juillet 1914. Elle poursuit ses études à Paris et devient journaliste. En 1940, elle entre en Résistance en zone Sud, dans le réseau Combat. Arrêtée par les Allemands en 1943, elle est relaxée lors de son jugement en décembre.
Après la Libération, elle travaille pour l’Agence France-Presse et en tant que correspondante de différents journaux africains. De 1947 à 1952, elle siège au Conseil de la République (Sénat), où elle représente l’Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine). Elle s’engage particulièrement sur la question des discriminations au sein des territoires d’outre-mer et sur celle du développement social de l’Afrique. Elle siège par ailleurs au Comité des Nations-Unis sur l’esclavage. Le 7 décembre 1953, l’avion qui la ramène d’une mission s’écrase près de l’aéroport de Bordeaux. Elle décède à l’hôpital deux jours plus tard.
Dans une tribune publiée dans Le Droit de Vivre en février 1953, Jane Vialle dénonce la discrimination qui frappe les habitants de l’Union française, notamment les soldats africains. Dans l’extrait reproduit ci-dessous, elle rappelle la France à ses traditions et devoirs.
” Il y a quelques jours, à l’amphithéâtre des Arts et Métiers, les Amis de l’Abbé Grégoire avaient convié un nombreux public à assister à la commémoration du bicentenaire de l’Abbé Grégoire, « l’ami des hommes de toutes les couleurs », le lutteur, le défenseur des hommes de toutes religions et de toutes races.
En 1789, prenant la parole en faveur des Juifs pour dénoncer les abus dans plusieurs localités d’Alsace, il disait : « NE SUIS-JE PAS LE MINISTRE DUNE RELIGION QUI REGARDE TOUS LES HOMMES COMME DES FRÈRES ? » À la même époque, Grégoire entame une bataille inlassable en faveur des noirs et des gens de couleur. Par ce combat, il est le premier libérateur des esclaves.
On va célébrer officiellement aujourd’hui la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, où il est dit, dans son article 2, premier chapitre : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration sans distinction aucune, notamment de race, de sexe, de langue, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
Il est dommage de constater que, devant de si grands exemples, l’un venant d’un Français qui lutta toute sa vie pour la liberté Individuelle, pour l’égalité des sexes et des races ; l’autre, venant du travail commun de toutes les nations qui se sont réunies en France pour élaborer cette magnifique Déclaration des Droits de l’Homme, il est dommage que la France (qui a toujours été le refuge de tous les opprimés, qui a toujours été à l’avant-garde des idées libératrices et égalitaires) puisse encore supporter dans certains de ses territoires, des faits qui révoltent le sens égalitaire de tout homme libre.
(…) De Grégoire à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, des milliers d’hommes sont morts pour que nous ayons aujourd’hui, tous le droit de vivre libres et égaux sans souffrir de préjudice du fait de la religion ou de la couleur.
Nous souhaiterions que la France qui a été le porte-drapeau de ces nobles principes, n’ait pas, aujourd’hui, à rougir de certains de ses serviteurs.”