Caluire, commune de l’agglomération lyonnaise, 21 juin 1943. En début d’après-midi, une réunion peu commune se tient dans la maison du Docteur Dugoujon. Les principaux responsables militaires des organisations de Résistance de la Zone Sud sont présents pour décider des modalités du remplacement du général Delestraint, chef de l’Armée secrète, arrêté quelques jours auparavant, le 9 juin, à Paris au Métro La Muette.
C’est André Lassagne, adjoint du Général Delestraint, qui a organisé cette rencontre au sommet. A partir de 13h30, les invités arrivent : Bruno Larat, chef national des opérations de parachutage et d’atterrissage, Albert Lacaze, récemment intégré à l’Etat-major de l’Armée secrète, Henry Aubry, chef de cabinet du général Delestraint, René Hardy, alias Didot, membre du mouvement Combat, mandaté par Pierre Bénouville pour le remplacer à cette réunion, Jean Moulin, le représentant du général de Gaulle, alias Jacques Martel, Emile Schwarzfeld, chef du mouvement « France d’abord » et Raymond Aubrac, alias Claude Ermelin, chef des groupes paramilitaires du mouvement « Libération », attaché à l’état-major de l’Armée secrète.
Quinze minutes après le début de la rencontre, la Gestapo de Klaus Barbie investit les lieux. Tous sont arrêtés, à l’exception de René Hardy qui parvient à s’échapper dans des conditions particulièrement douteuses.
Internés à Montluc, ils sont interrogés par Klaus Barbie à l’Ecole de Santé Militaire, siège de la Gestapo. Jean Moulin, transféré épuisé par les tortures et méconnaissable jusqu’aux services de la Gestapo à Paris, fin juin ou début juillet, est décédé officiellement dans le train Paris-Berlin, le 8 juillet, à hauteur de la gare de Metz ; son corps a été sorti du train à la gare de Francfort et aussitôt rapatrié à Paris et incinéré le 9 juillet. Le 25 mai 1944, la Gestapo informa Laure Moulin, chez elle à Montpellier, que les cendres de son frère étaient dans une case du cimetière du Père-Lachaise à Paris : « Inconnu incinéré le 9 juillet 1943, présumé Jean Moulin ».
Jean Moulin incarne aujourd’hui le mythe de la Résistance. Il est le visage de tous ceux qui, devant le totalitarisme raciste et antisémite des Nazis, a su désobéir. Il était entré en Résistance le 17 juin 1940 par un acte antiraciste. Alors préfet d’Eure-et-Loir à Chartres, il avait refusé d’accuser une troupe de tirailleurs sénégalais de l’Armée française d’avoir commis de prétendues atrocités envers des civils à La Taye, un hameau de Saint-Georges-sur-Eure, en réalité victimes de bombardements allemands. Dans une lettre adressée à sa mère deux jours avant cet épisode, il écrivait à sa mère qu’il ne savait pas “que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger.”
Le 19 décembre 1964, Jean Moulin entre au Panthéon, accueilli par un discours historique prononcé par André Malraux : “Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France.”