Paris, 26 janvier 2025
Il y a 80 ans, les troupes de l’Armée rouge pénétraient dans le camp d’Auschwitz, principal centre d’extermination nazi où périrent plus d’un million de Juifs européens, des milliers de Tsiganes mais aussi d’opposants et de résistants au nazisme. La « libération » de différents camps depuis l’été 1944 avait commencé à donner la mesure de l’horreur du projet du Reich. L’entrée dans Auschwitz où se trouvaient encore 7 000 détenus après l’évacuation quelques jours plus tôt de plusieurs dizaines de milliers de déportés dans le cadre d’une « marche de la mort » meurtrière, constitua un événement d’une dimension historique et d’une portée symbolique majeures.
Plusieurs mois séparaient alors cette « libération » de celle de l’ensemble des dispositifs du système concentrationnaire nazi, et la révélation au monde de la nature et de l’ampleur des crimes commis. La persécution et l’assassinat systématique de six millions de Juifs allaient lourdement peser par la suite dans l’évolution du droit international, avec la définition du crime de génocide et du crime contre l’humanité.
L’humanité entière
L’Europe de l’après-guerre s’est construite dans le rejet de la guerre et la mémoire des meurtrissures profondes que constituèrent ces violences de masse sur son sol. En 2005, l’Assemblée générale des Nations unies instituait le 27 janvier en « Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste ».
Ce 80e anniversaire de la « libération d’Auschwitz » est l’occasion de rappeler avec force cette histoire, qui n’est pas seulement celle des victimes mais celle de l’humanité tout entière. Les racismes et l’antisémitisme ne constituent pas, en effet, des phénomènes particularistes mais bien des délits ou des crimes qui ciblent les hommes pour ce qu’ils sont ou sont supposés être.
La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme est née en 1927 pour lutter contre les pogroms au motif qu’ils « déshonor[ai]ent l’humanité ». C’est dans cette conception unitaire du genre humain qu’elle inscrit son action depuis près de cent ans et qu’elle affirme, sans relâche, son universalisme. La mémoire de la Shoah fut dans l’après-guerre, après la persécution antijuive, dont celle qui toucha une partie de ses membres, un élément moteur de son action militante. Cette mémoire demeure un repère essentiel dans son refus d’opérer un choix entre les victimes des atteintes odieuses à l’égalité en droits et en dignité des personnes.
De toute notre force et de tout notre poids
À l’occasion de cette commémoration, la Licra appelle au renforcement déterminé des actions politiques et éducatives pour que la mémoire des victimes ne soit pas oubliée. Elle exige la vigilance de tous pour que la connaissance de la Shoah, l’histoire des génocides et des crimes contre l’humanité, ne soient pas dévoyées, relativisées, banalisées ou niées. Elle demande que la lutte contre l’antisémitisme soit érigée, en France, en grande cause nationale. Elle sollicite la responsabilité de chacun et l’action des gouvernements européens pour qu’il soit mis un terme à la situation de non-droit qui caractérise le fonctionnement des plateformes numériques. Le renforcement et l’application des lois, en France et en Europe, doivent constituer des priorités absolues à l’heure où les démocraties sont la proie des populismes, des nationalismes et des opérations d’influence extérieures.
Ce 27 janvier heurte de plein fouet une actualité lourde en menaces pour l’État de droit, qui rappellent à quel point les démocraties sont vulnérables. Il doit être à ce titre bien davantage qu’une journée mémorielle où le slogan « plus jamais ça » ne manquerait pas d’apparaître comme une incantation vaine. Car le « ça » est bien là, au cœur même des démocraties, et nous devons le combattre, par la force de nos lois, de nos institutions et par le poids de l’héritage humaniste européen.