Samedi 26 novembre, à partir de 9h30, à la Bibliothèque nationale de France (site François-Mitterrand, quai François-Mauriac, Paris 13e) aura lieu la première édition de la fête du livre de la Licra, l’Universalisme en fête – Lire contre la haine.
En suivant ce lien, vous trouverez le programme et le formulaire d’inscription (l’inscription est gratuite mais obligatoire) : https://www.licra.org/universalisme2022
Causeries, débats, entretiens, concerts, ateliers : la journée s’annonce passionnante et très diverse ; nous accueillerons aussi bien des écrivaines et des écrivains dans les domaines de la fiction, des sciences humaines, de l’essai, de la philosophie, du journalisme, que des personnalités du monde du dessin de presse, de la bande dessinée, de l’enseignement et de la musique.
En guise de mise en bouche, nous avons posé deux questions à Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse, qui s’entretiendra de 13h30 à 14h30 avec Fethi Benslama sur le thème : Tempête sur l’universalisme (entretien animé par Abraham Bengio)
Le DDV : Quelles sont les principales critiques formulées aujourd’hui contre l’universalisme dit « humaniste » ou « républicain » ?
Élisabeth Roudinesco : Quand on parle aujourd’hui d’universalisme, on songe immédiatement à l’universalisme républicain, doctrine strictement française qui décrit la République comme indivisible et qui suppose que tous les citoyens sont égaux en droit (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789). De là découle l’idée qu’il s’agirait d’un idéal universel valable pour tous les peuples. Cet idéal a été complété par la notion de laïcité qui récuse le relativisme, le communautarisme, l’ethnicité, le différentialisme, etc. On oublie alors qu’il existe d’autres universaux et que la différence culturelle est également un universel. N’oublions pas que les trois religions monothéistes se veulent également universelles. Autrement dit, ce modèle a été fortement critiqué par les anthropologues – et notamment par Claude Lévi-Strauss – car il tend à formaliser un seul modèle de société. On ne saurait donc opposer abstraitement la différence et l’universel car la différence est également un universel. Il y a une diversité des cultures qui est un universel. Pour définir un « propre de l’homme » il faut penser l’universel avec la différence. Sinon, on est beaucoup trop restrictif. Notons qu’il n’existe pas de peuple sans croyance religieuse. Et de même la prohibition de l’inceste (entre parents et enfants) est universelle.
Le DDV : Cette notion mérite-t-elle cependant d’être défendue ?
ER : Oui bien entendu, d’une part parce qu’elle découle des principes fondateurs de notre République et parce qu’elle refuse de réduire le sujet à une particularité. Mais « de facto », cet universalisme s’est déjà modifié. Il supposait autrefois que chaque citoyen devait s’assimiler, c’est-à-dire oublier les traces de son origine. C’est ainsi que les Juifs émigrés (venus d’Europe centrale) ont voulu se fondre dans ce modèle au point de changer de nom par exemple ou de le franciser : la France était considérée par eux comme un État où l’on pouvait être heureux sans obéir à un Dieu persécuteur. Mais ce n’est plus le cas. On parle aujourd’hui d’intégration et pas d’assimilation. Dans ce cas, au contraire, on refuse de dissimuler son origine et on veut en conserver les traces, même une fois acquise la nationalité française : dans l’attribution des prénoms c’est évident ainsi que dans la conservation des patronymes.