ActualitésMémoire & HistoireAssimilation du "pass sanitaire" à l'apartheid : un rappel historique

Assimilation du “pass sanitaire” à l’apartheid : un rappel historique

Texte initialement publié sur le compte Twitter de la Licra.

L’assimilation du « pass sanitaire » à une mesure d’#apartheid a suscité ces derniers jours une profonde indignation. La récurrence et la légèreté de la comparaison invitent à un rappel historique.

« Apartheid » est un mot afrikaans (l’une des langues parlées en Afrique du Sud) qui signifie « état de séparation ». Il renvoie à une politique de développement séparé des populations, selon un critère « racial », qui est en vigueur en Afrique du Sud de 1948 à 1991.

Des pratiques ségrégatives (Colour Bar) étaient auparavant à l’œuvre dans ce territoire colonisé par les Hollandais en 1652. La politique d’apartheid vient définir concrètement le rattachement territorial de l’individu et son statut social, en fonction de sa « race ».

Minoritaires dans la région, les Afrikaners, blancs d’origine européenne parlant l’afrikaans, redoutaient d’être submergés par les populations noires, majoritaires. L’apartheid va consister en des lois strictes visant à empêcher toute mixité.

De fait, l’apartheid se distingue du concept « Separate but Equal » ( « séparés mais égaux ») en vigueur aux États-Unis jusqu’en 1954, dans des États où blancs et noirs cohabitent avec des services distincts (santé, transport, logement, éducation…).

En juin 1948, en Union d’Afrique du Sud, le Parti national remporte les élections législatives. C’est à partir de cette date qu’est instauré l’apartheid, sous l’autorité du Premier ministre Daniel François Malan (1948-1954) puis de ses successeurs.

Le Premier ministre Johannes Strijdhom (1954-1958) lance le slogan du « baasskap », une pratique discriminatoire visant à établir la « domination du maître » (blanc) sur le serviteur (noir) dans la vie quotidienne.

L’apartheid repose sur le principe de suprématie blanche (tous les blancs d’Afrique du Sud et pas seulement les Afrikaners) et sur celui de la défense de l’identité du peuple afrikaner, assimilé à un « peuple élu » (le Volk).

En juin 1949, le Prohibition of Mixed Marriages Act interdit les mariages « interraciaux ». L’immorality Amendment Act, en 1950, prohibe les relations sexuelles « interraciales ». Le fait de désobéir à ces lois conduit devant les tribunaux.

Le Group Areas Act (loi sur les zones réservées) d’avril 1950 contraint les groupes de populations (fixés par la loi deux mois plus tard) à résider dans des zones urbaines bien définies.

Le population Registration Act (loi de classification de la population) est instauré en juin 1950. Chaque habitant de plus de 16 ans est répertorié « racialement ». 4 groupes sont définis : blancs, coloured, noirs et Asiatiques.

La loi sur les laissez-passer de 1952 oblige les sud-Africains noirs de plus de 16 ans à être toujours porteurs, dans les zones réservées aux blancs, d’un passeport, à la fois carte d’identité, laissez-passer et livret de travail.

Le Reservation of Separate Amenities Act (loi sur les équipements publics distincts) d’octobre 1953 institue la ségrégation raciale dans les lieux publics et les transports. Seules les routes et rues publiques sont exclues de la loi.

Le Bantu Education Act (loi sur l’éducation bantoue) d’octobre 1953 introduit la ségrégation raciale dans tous les lieux d’enseignement, y compris les universités. Une autre loi interdit le droit de grève pour les populations noires.

Les manifestations non violentes du 18 mars 1960, organisées dans tout le pays pour contester les passeports intérieurs et réclamer l’augmentation du salaire journalier, sont réprimées dans le sang à Sharpeville. 69 manifestants noirs sont tués.

Un décret qui prévoit d’imposer l’afrikaans comme langue d’enseignement à la fin de l’école primaire entraîne des manifestations à Soweto le 16 juin 1976. Des centaines de personnes sont abattues parmi lesquelles de très nombreux enfants.

La sortie de l’apartheid est un long processus, marqué par la résistance intérieure, les protestations et sanctions internationales. L’arrivée au pouvoir de Frederik de Klerk en août 1989 est suivie de la libération de Nelson Mandela (11/02/1990), après 27 ans de prison.

La sortie de l’apartheid est un long processus, marqué par la résistance intérieure, les protestations et sanctions internationales. L’arrivée au pouvoir de Frederik de Klerk en août 1989 est suivie de la libération de Nelson Mandela (11/02/1990), après 27 ans de prison.

Les dernières lois de l’apartheid sont abolies en juin 1991. Les premières élections parlementaires non raciales au suffrage universel ont lieu le 27 avril 1994. Mandela est élu président de la République le 10 mai 1994.

2021. Les analogies historiques abusives vident les mots et les événements de leur sens. La responsabilité citoyenne et politique impose au contraire d’en mesurer la portée et de conserver une distance critique. L’histoire n’est pas un supermarché.

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Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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