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Licra Bordeaux & Gironde : Lettre ouverte au Maire de Bordeaux

Bordeaux, le 1er juillet 2025

Un jumelage n’est pas une caution politique. C’est un pont entre les peuples.

La décision que vous avez prise, Monsieur le Maire, de suspendre le jumelage avec la ville israélienne d’Ashdod intervient dans un contexte de guerre, de tensions internationales et de crispations locales. Cette rupture survient après près de 30 ans de coopération entre nos deux villes, marqués par des échanges culturels, éducatifs et humains d’une grande richesse. Elle s’inscrit dans une série d’initiatives similaires prises par d’autres mairies françaises.

Mais cette décision soulève une question essentielle : que signifie un jumelage entre deux villes ? Et pourquoi sa suspension, en période de conflit, peut-elle être perçue comme une sanction politique, et une erreur à la fois symbolique et humaine ?

Un jumelage n’est pas une adhésion à une politique gouvernementale. Ce n’est pas une récompense diplomatique ni un instrument de sanction. C’est un outil de dialogue, un espace de coopération, un levier pour construire des ponts culturels, éducatifs, économiques, sociaux et humains, même – et surtout – là où les États échouent à s’entendre.

Entre 2008 et 2014, j’ai eu l’honneur d’être élue à la Ville de Bordeaux en tant que déléguée aux relations internationales, en charge du programme de l’Union pour la Méditerranée. À cette époque, alors même que les relations diplomatiques étaient gelées ou extrêmement fragiles, nous avions choisi de miser sur la culture, l’éducation et la jeunesse pour maintenir le dialogue.

Ainsi :

– un projet a réuni le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux et le Ballet d’Ashdod, sous la direction de Charles Jude, chef du Ballet de l’Opéra de Bordeaux de 2008 à 2014, et en partenariat avec l’Ashdod Art Centre dirigé par Valery Panov, ancien danseur étoile du Kirov et figure majeure de la scène chorégraphique. Ce projet emblématique a permis à de jeunes danseurs israéliens – juifs et arabes – de se former ensemble dans un esprit d’excellence et de dialogue.

– le Conservatoire de Bordeaux a accueilli des jeunes musiciens venus de Ramallah, Ashdod, Oran et Casablanca dans un esprit d’échange artistique et de fraternité ;

– des centres d’animation de quartiers de Bordeaux et d’Ashdod ont développé des projets communs sur la déconstruction des stéréotypes et la citoyenneté ;

– des programmes autour du droit des femmes, de l’accès à l’eau et de l’éducation ont été initiés entre nos villes.

Ces actions n’ont jamais nié les tensions du monde. Elles ont simplement affirmé que, là où la politique se fige, la culture peut encore respirer. Suspendre un jumelage, c’est couper l’oxygène de cette respiration.

Ashdod est une ville démocratique, où vivent côte à côte des citoyens juifs, arabes, russes, éthiopiens… laïcs et religieux. C’est aussi le deuxième port d’Israël, un carrefour économique stratégique pour tout le bassin méditerranéen. Une partie de l’aide humanitaire à destination de Gaza transite par Ashdod. C’est un lieu de transit, d’ouverture, de tension aussi – mais sûrement pas un symbole à effacer.

À notre connaissance, ni vous-même ni aucun membre de la nouvelle équipe municipale ne vous êtes rendu à Ashdod depuis le début du mandat. Dès lors, comment peut-on suspendre un lien sans même l’avoir incarné ?

Si le combat pour les droits humains est réellement une priorité, votre position apparaît pour le moins incohérente : pourquoi ne pas remettre en cause les jumelages avec Wuhan – où les Ouïghours subissent une répression massive –, avec Saint-Pétersbourg – malgré la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine –, ou encore avec Oran, où l’écrivain Boualem Sansal est détenu en Algérie, ou encore avec Ramallah, malgré les discours ouvertement hostiles à l’existence même de l’État d’Israël, aux principes démocratiques et aux valeurs universelles tenus par certains de ses représentants ?

Sélectionner Ashdod dans ce contexte, c’est envoyer un signal politique qui dépasse le cadre municipal.

Un jumelage n’est pas un acte passif. Il se fait vivre. Il se construit dans le temps, notamment dans les écoles, les conservatoires, les maisons de quartier. Et il peut devenir un outil de paix là où le silence serait plus commode.

Aujourd’hui plus que jamais, la LICRA Bordeaux & Gironde défend une vision universaliste de la coopération internationale.

Nous refusons les ruptures symboliques qui visent unilatéralement un État démocratique attaqué par une organisation terroriste. Et nous vous appelons à préserver les ponts plutôt que de les détruire, surtout dans la tourmente.

Parce que seule la paix se construit. Jamais l’humiliation.

Sarah Bromberg

Présidente de la LICRA Bordeaux & Gironde

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Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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