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Soirée-débat du 26 mars 2024 – “Quelle Histoire politique de l’antisémitisme en France  ?” -Discours de Mario Stasi

Discours introductif de Mario Stasi, président de la Licra prononcé à l’Assemblée nationale, salle Colbert le 26 mars 2024.

Madame la députée de Paris Astrid Panosyan-Bouvet, chère Astrid…

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Monsieur le directeur adjoint des éditions Robert Laffont, Gabriel Zafrani

Mesdames et messieurs,

Chers amis.

En ma qualité de Président de la LICRA et au nom du bureau exécutif de la Licra, co-organisatrice avec Astrid Panosyan-Bouvet, de cette soirée-débat, j’ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue en cette salle Colbert de l’Assemblée nationale.

Cette salle où planent tant de paroles échangées, où se nourrit le débat démocratique, au cœur même de nos institutions républicaines.

On a rarement autant indiqué, en France, depuis le pogrom commis par le Hamas sur le sol israélien le 7 octobre dernier, l’impératif et l’urgence de combattre, chez nous et au-delà, cette lèpre séculaire qu’est l’antisémitisme.

Tous les observateurs savent pertinemment que l’origine de l’explosion brutale et récente des actes antisémites, est à rechercher bien en amont du 7-Octobre.

Ils savent que ces agressions pèsent lourdement, tous les jours, dans l’existence d’une partie de nos concitoyens, jusqu’à rendre ce quotidien invivable ; insupportable et parfois effrayant… ;

Ils savent que l’antisémitisme contribue à fracturer en profondeur notre communauté nationale, qu’il ébranle la République, ses valeurs et ses principes, fléau et danger pour l’avenir de la communauté française.

Ce combat contre l’antisémitisme, il faut le marteler, n’est pas l’affaire des seuls juifs…surtout pas !

La réalité des réactions et des mobilisations dans un moment de crise aiguë comme celui que nous traversons, nous rappelle hélas la vérité d’une leçon de l’Histoire, s’il en est :

Quand l’antisémitisme est à un faible étiage, un faible niveau de manifestation, il inspire la verve de nombreux ennemis déclarés, politiques intellectuels, artistes, partis, syndicats… Quand, au contraire, il connaît un pic, les voix relativisent, minimisent, esquivent, se taisent, le courage manque souvent…. Et les juifs se retrouvent seuls.

Les citoyens juifs doivent pouvoir compter sur ceux qui ne le sont pas et ils doivent aussi doivent aussi accepter que l’universalisme plus que le repli dans sa communauté est le meilleur moyen de combattre l’antisémitisme, comme l’ont rappelé avec émotion et ferveur, les présidents du CRIF et de la République Française, à l’Élysée, l’autre soir, pour la commémoration des 80 ans du CRIF ;

C’est dire l’importance d’un événement comme celui de ce soir, qui invite la société civile, la représentation nationale et les élus, à porter un regard critique, clinique, introspectif, à se plonger dans l’histoire et la science politique, sur un phénomène qui parcourt notre histoire et la vie politique contemporaine.

C’est dire l’importance de la réflexion collective au cœur de cet ouvrage dont les éditions Robert Laffont – et je remercie Gabriel Zafrani, leur directeur adjoint pour sa présence – ont eu l’initiative, avec les trois directeurs d’ouvrage également présents : Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarrat et Rudy Reichstadt.

Une initiative inédite, à caractère exploratoire sous bien des aspects, mais ô combien nécessaire pour que chaque citoyen soit éclairé sur la manière dont les courants politique ont été/sont confrontés à un phénomène qui met en danger la cohésion nationale : les partis et l’antisémitisme, l’antisémitisme dans les partis, les partis face à l’antisémitisme…

Mieux comprendre les ambiguïtés, les ressorts et rebonds politiques autour de cette question, et mieux agir, en conséquence, contre ses expressions les plus diverses, du propos sournois à l’injure publique et frontale…

C’est tout l’intérêt et le sens d’une soirée comme celle-ci, rythmée par trois tables rondes en présence de quelques-uns des auteurs, que je remercie aussi d’être là, et par la relance officielle de l’intergroupe parlementaire Jean Pierre-Bloch.

L’objectif de cet intergroupe est précisément de renforcer plus encore les liens entre la Licra et les représentants de notre République et mener ensemble, nombre  d’actions ou rédiger ensemble telles résolutions ou propositions pour lutter contre l’antisémitisme, le racisme et les discriminations,

Je voudrais chaleureusement remercier Astrid Panosyan-Bouvet, qui a accepté la présidence de cet intergroupe.

Je veux également rendre hommage à Claude Pierre-Bloch, mon ami, vice-président de l’intergroupe dont il fut l’initiateur, et fils de Jean Pierre-Bloch, président de la Lica de 1968 à 1993, dont le souvenir et l’engagement antiraciste nous inspire particulièrement aujourd’hui.

Je sais Claude, retenu dans sa Dordogne, pour la réussite du festival Joséphine Baker, particulièrement ému par la résurrection de cet intergroupe…  

Et je n’oublie pas ce que cet intergroupe doit « au pacte de la fraternité », véritable charte de valeurs adressée, pour signature, à des centaines de candidats aux dernières élections législatives et dont l’initiateur fut Daouda BA.

Je souhaite enfin remercier Grégoire Jayot, collaborateur d’Astrid Panosyan Bouvert, et Tina Theallet, responsable juridique de la Licra, pour l’organisation de cette rencontre et, plus généralement, pour la mise en action de l’intergroupe parlementaire.

Comment ne pas remercier celui qui fut à l’initiative de cette soirée, qui en a été le précieux coordinateur, celui qui m’aide, jour après jour, à mener ce travail indispensable de réflexion et à veiller toujours à ce que nous passions ainsi des paroles aux actes, je veux parler de mon ami, Emmanuel DEBONO;

Après les tables rondes, Astrid précisera les tenants et les aboutissants d’un projet qui plonge ses racines dans l’histoire de la Licra : dans les années 1930, déjà, les militants de la Lica sollicitaient députés et sénateurs pour que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne soit pas prisonnière d’une niche associative pour figurer, dans un esprit authentiquement universaliste, au premier rang des préoccupations de la nation.

En cette période troublée, où les crises internationales succèdent aux crises internationales, les institutions de notre République tiennent. Elles doivent tenir : elles sont les garants de l’égalité en droits et en dignité de chacun et chacune d’entre nous.

Cette égalité entre les citoyens  est aujourd’hui soumise à une lame de fond, qui la conteste voire la nie ; l’Histoire, dont il est question ce soir, nous a appris que rien n’en garantissait l’éternité, sinon la pérennité.

Il y a quelques jours, une entreprise importante de services du numérique révélait les résultats d’une étude réalisée avec un institut de sondage des plus sérieux. Cette étude était dédiée à l’impact de la désinformation sur les élections européennes et à sa perception au sein de la population française.

D’après ce sondage, où 74% des personnes interrogées se disent souvent confrontés à des contenus de désinformation, deux Français sur trois adhèrent à au moins une fausse information ou à une théorie du complot sur neuf proposées.

Ils sont 46% à approuver l’idée que « de nombreux gouvernements sont contrôlés par un même petit groupe de personnes très puissantes et influentes qui défend leurs intérêts et utilisent les médias pour manipuler l’opinion publique et les masses ».

Quand on croise ces résultats avec ceux d’études récentes, qui montrent à quel point le vieux mythe de la domination juive perdure au sein de l’opinion,

Quand on les croise, aussi, avec ceux qui montrent un plus fort taux d’adhésion des jeunes aux fake news et aux théories du complot, il y a de quoi s’alarmer.

Vous aurez en outre noté que le terme « juifs » n’est pas mentionné dans l’énoncé que je vous ai cité. Est-il d’ailleurs aujourd’hui besoin de nommer ceux que de nombreuses astuces et procédés antisémites (périphrase, dog whistle), par prudence à l’égard des lois, permettent de ne pas mentionner tout en suscitant un consensus chez les initiés ?

L’invisibilisation des juifs et de l’antisémitisme semble bien être la ruse ultime d’un phénomène qui ne cesse de se réinventer.

Il faut se battre pour que jamais on n’invisibilise l’antisémitisme, comme on a pu parfois le constater et le dénoncer à la lecture des travaux de tel organisme, groupe d’études ou d’institutions mêmes de notre République.

A chaque mal sa spécificité, à chaque maladie de la société son remède.

Différencier l’antisémitisme et le racisme pour mieux combattre et l’un et l’autre.

Tout n’est pas haine, tout n’est pas discrimination. 

Combattre le racisme et l’antisémitisme est une urgence en notre pays riche de ses communautés et fragile de son communautarisme rampant.

Faisons de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une Grande Cause Nationale, c’est l’appel que le LICRA lance ce soir !  

Il nous faut donc, sans cesse, réinventer et réévaluer les outils d’analyse et de lutte contre cette lèpre tenace qu’est l’antisémitisme.

Puisse la soirée de ce soir, cet ouvrage inédit et l’intergroupe parlementaire, y contribuer activement.

Mes amis, n’oubliez jamais, que le travail commence souvent après les colloques, aussi passionnants soient-ils, car ils ne sont jamais que l’inspiration indispensable qui nous instruit et nous remplit pour repartir au combat ;

Aux armes citoyens !

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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