« Pendant la Seconde Guerre mondiale, toute l’Europe avait sombré, entraînée par le nazisme. L’idée même du rapprochement entre les Européens était fondée sur la conviction que nous ne nous relèverions qu’ensemble, en prenant appui les uns sur les autres. Il n’y avait là ni naïveté lénifiante, ni intention d’exonérer les États de leur responsabilité. Ce n’était pas de pardon qu’il s’agissait, ni d’oubli, mais d’une réconciliation lucide et courageuse, aussi utopique qu’elle était réaliste, d’autant plus nécessaire qu’elle se savait surgir du plus profond désespoir.
Il fallait briser l’engrenage : la réconciliation entre les peuples européens serait le pivot de la construction d’une Europe pacifiée. Il fallait faire un pari, et s’y tenir malgré les obstacles. Construire des ponts, tisser des liens, bâtir un cadre dans lequel les passions de haine seraient neutralisées. Prendre nos souffrances, nos épreuves, nos blessures comme socle d’une nouvelle entreprise commune. L’amitié viendrait plus tard. Tel était le pari, lucide et acharné, de la construction européenne que, comme d’autres, j’envisageais.
[…] Tirant les leçons des expériences totalitaires du passé, l’Europe se doit d’offrir à tous ses citoyens le plus de liberté possible dans un souci de coexistence solidaire et pacifiée, en multipliant les échanges, dans tous les domaines. Comme l’ont rappelé récemment les conditions posées à l’adhésion des nouveaux pays entrants, les droits des minorités nationales doivent être respectés, la liberté religieuse et la liberté d’opinion garanties, pour prévenir les menaces de conflits internes.
La démocratie repose sur la confiance dans les individus citoyens décidant ensemble de leur avenir commun, à partir de valeurs partagées. Courage civique, tolérance, respect de l’autre, ces valeurs de l’Europe sont celles que l’histoire du nazisme a montrées comme les plus nécessaires aux heures les plus sombres. Ce sont elles qui, dans les cœurs et les esprits, dans les gestes et les actes de quelques-uns, ont sauvé l’honneur quand des nations entières sombraient. »