ActualitésMémoire & Histoire1 jour, 1 combat : 6 avril 1944 : Izieu, l’innocence exterminée

1 jour, 1 combat : 6 avril 1944 : Izieu, l’innocence exterminée

Le jeudi 6 avril 1944 est le premier jour des vacances de Pâques. Perchée sur les contreforts du Bugey, au hameau de Lélinaz, dominant la vallée du Rhône environnante, aux confins de l’Isère, de l’Ain et de la Savoie, la colonie d’Izieu s’anime. Les enfants se lèvent et se préparent à prendre comme chaque matin leur petit déjeuner.

Cette maison abrite depuis mai 1943 un refuge pour des enfants juifs fuyant les persécutions. Elle a été fondée par Sabine Zlatin, infirmière de la Corix-Rouge qui avait auparavant dirigé une maison d’enfants juifs à Palavas-les-Flots mais qui avait voulu trouvé un asile plus sûr, les rafles s’intensifiant dans la région de Montpellier. Le ous-préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, soutient l’initiative et apporte son concours à l’implantation de la colonie dans l’Ain : « Ici, vous serez tranquilles », promet-il à Sabine Zlatin Mais fin 1943, le contexte change. De 1940 à 1942, Izieu se trouvait en zone libre. Sous occupation italienne à compter de novembre 1942, elle passe sous occupation allemande après l’armistice du 8 septembre 1943 intervenu entre l’Italie et les Alliés. Cette nouvelle donne conduit les responsables du refuge à imaginer début 1944 la dispersion des enfants et éviter la répression qui, depuis Lyon, pourrait s’abattre. Le 7 janvier, le docteur Albert Bendrihen, médecin juif de la colonie, converti au catholicisme, domicilié dans un hameau voisin est arrêté et déporté. Fin mars, Sabine Zlatin quitte provisoirement la maison, direction la région de Montpellier pour essayer de trouver les moyens de disperser la colonie.

Le 6 avril au matin, deux camions de la Wehrmacht, réquisitionnés à Belley et une voiture de la Gestapo, venue de Lyon, entament l’ascension vers la colonie. Une dénonciation les a sans doute – mais les faits n’ont jamais pu être établis sur ce point – guidés jusque-là. 44 enfants et 7 de leurs éducateurs sont arrêtés, parce que juifs ou supposés comme tels. Le jeune Léon Reifman parvient à s’échapper en sautant d’une fenêtre. Sous les bâches des véhicules descendant de Lélinaz, on entend les enfants entonner « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ». Lors d’une halte au village, une habitante reconnait un des enfants : René Wucher, 8 ans. Non-juif, les nazis le font descendre du camion. Le convoi des 44 enfants et de leurs 7 accompagnateurs prend la direction de Lyon où ils arrivent dans la journée à la prison Montluc. On les parque vraisemblablement dans les ateliers de la prison, à proximité de la baraque aux Juifs de sinistre mémoire. Les adultes sont interrogés, les enfants laissés à même le sol. Le soir même, Klaus Barbie, chef de la section IV du SIPO-SD de Lyon, envoie un télex au service des affaires juives de la Gestapo de Paris pour l’informer du succès l’opération. Sabine Zlatin, à Montpeliier, reçoit un télégramme codé qui l’informe du désastre : « Famille malade – maladie contagieuse. ». Elle a compris. Parmi les victimes de l’arrestation, Miron, son mari, véritable cheville ouvrière, avec elle, de la colonie.

Le 7 avril, un tramway conduit les victimes de la rafle vers la gare de Lyon-Perrache. Direction Drancy. Le 13 avril, le convoi n°71 emporte vers Auschwitz 34 des enfants d’Izieu et 4 des éducateurs, dont Léa Feldblum qui sera la seule survivante. Entre avril et juin 1944, par 8 convois, l’ensembles des raflés d’Izieu sont déportés. Miron Zlatin et les deux adolescents, Théo Reis et Arnold Hirsch, sont déportés en Estonie et fusillés dans la forteresse de Talinn au cours de l’été 1944.

Le 5 février 1946, Edgar Faure, procureur général adjoint français au Tribunal militaire international de Nuremberg, évoque l’affaire d’Izieu devant le tribunal militaire international de Nuremberg et fait lecture du télégramme de Barbie.

Le 6 mars 1972, Beate Klarsfeld e Ita Halaunbrenner, dont la famille a péri, s’enchaînent sur un banc de La Paz, capitale de la Bolivie. Elles savent que Barbie, caché sous le nom de Altman, s’est caché en Amérique du Sud pour échapper à la justice. Après des années de lutte, Barbie est extradé en 1983 puis arrêté et jugé pour crime contre l’Humanité à Lyon, du 11 mai au 4 juillet 1987. Lors du procès, Sabine Zlatin, la rage au cœur, interpelle les jurés : « Barbie a toujours dit qu’il s’occupait uniquement des résistants et des maquisards, cela veut dire des ennemis de l’armée allemande. Je demande ceci : les enfants, les quarante-quatre enfants, c’était quoi ? C’étaient des résistants ? C’étaient des maquisards ? Qu’est-ce qu’ils étaient ? C’étaient des innocents … ». Barbie est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, notamment pour le crime d’Izieu.

Le musée-mémorial des enfants d’Izieu est inauguré par François Mitterand. Depuis cette date, la maison d’Izieu est « un lieu d’accueil et d’éveil à la vigilance qui entend délivrer, par le souvenir des enfants et des éducateurs de la colonie d’Izieu, un message universel et agir contre toute forme d’intolérance et de racisme. »

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Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

1 COMMENTAIRE

  1. La visite de cette maison, qui fût celle du bonheur de ces gosses, est insoutenable. Je n ai pas pu y retenir mes larmes. Comment est ce possible ? Plus jamais ça !

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