Le 10 avril 1941, les légions de l’armée « oustachie », venues de Toscane et d’Autriche, pénètrent dans Zagreb, capitale historique de la Croatie. Le chef militaire de ces troupes, Slavko Kvaternik, proclame la création de l’Etat indépendant de Croatie. Cette déclaration intervention dans la foulée de l’invasion de la Yougoslavie par les troupes de l’Axe. Quelques jours plus tôt, un accord était intervenu entre l’Italie de Mussolini – toujours animée par son vieil irrédentisme sur la Dalmatie – et l’Allemagne nazie : le nouveau régime installé dans la Croatie occupée sera Oustachi, du nom du mouvement séparatiste croate, antisémite, fasciste, anti-yougoslave et terroriste fondée en 1929 par l’avocat Ante Pavelic.
Le 15 avril, Pavelic arrive en Croatie et s’auto-proclame chef de l’Etat, avec la bénédiction des autorités religieuses, catholiques ou musulmanes. Symboliquement, jusqu’en 1943, le pays sera un Royaume avec un roi fantoche, un cousin de la maison de Savoie. A compter d’avril 1941, la Croatie entre dans la période la plus sombre de son histoire.
Pavelic, reçu personnellement par Hitler dès le mois de juin 1941, met en place la politique « d’intolérance raciale » préconisée par les nazis qui va aboutir à un véritable génocide des Serbes, des Juifs et des Tsiganes. Dès avril 1941, Pavelic met en place un véritable arsenal de lois raciales : loi sur l’appartenance à la race (30 avril 1941), loi sur la protection du sang aryen et de l’honneur du peuple croate (30 avril 1941). Les Serbes et les Juifs, puis les Roms, sont soumis à des discriminations qui seront le prélude à des massacres de masse. Le régime fait édifier 24 camps de concentration en Croatie. Le bilan sera lourd : les estimations les plus basses évoquent près de 400 000 Serbes exterminés, 20 000 Juifs tués en Croatie et 40 000 Roms. Ce bilan ne comptabilise que les morts constatées sur le territoire de l’Etat indépendant de Croatie et n’intègre pas le nombre de ceux qui furent déportés vers les camps d’extermination d’Europe centrale. Si certains criminels sont jugés à la Libération, il faudra attendre parfois longtemps pour que justice soit rendue en 1998 à l’encontre de Dinko Šakić, commandant du camp de concentration de Jasenovac en 1944. En mai 1945, Ante Pavelic a fui devant les avancées des Partisans. Condamné à mort par contumace en juillet 1945, il est protégé par des réseaux catholiques et trouve exil en Autriche dans des couvents catholiques. Il emprunte ensuite la « Ratline », la filière des rats, pour gagner l’Argentine, sous la protection du dictateur Juan Peron, avec de réjoindre le Brésil. Cible de plusieurs tentatives d’assassinats imputés au régime communiste yougoslave de Tito, il rejoint l’Espagne de Franco où il meurt en 1959.