Festival d’Avignon 2021. de Jean-Philippe Daguerre.Théâtre du Roi René 4 bis rue Grivolas, 84000 Avignon Salle de la Reine 10h (durée 1h30). Du 7 au 31 juillet. Relâche les 12,19,26 juillet.
“Ne sommes nous pas humains ? N’avons nous pas des yeux ? N’avons nous pas des mains, des organes, des sens, des dimensions, des affections, des passions, ne sommes nous pas nourris de la même nourriture, blessés par les mêmes armes, sujets aux mêmes maladies, guéris par les mêmes remèdes, réchauffés et glacés par le même hiver et le même été ? Si vous nous piquez ne saignons nous pas ? Si vous nous chatouillez ne rions nous pas ? Si vous nous empoisonnez ne mourons nous pas? Et si vous nous faites du mal ne nous vengerons nous pas ?”
Shakespeare – Le Marchand de Venise – Monologue de Shylock
C’est ainsi, en citant ces paroles de Shylock, que Pierre Vigneau répond à son hôte nazi lorsque celui ci se targue de traquer la vermine juive partout où elle se terre.
Adieu Monsieur Haffman de Jean-Philippe Daguerre nous plonge dans la France de 1942 sous occupation allemande.
Le régime de Vichy a décrété le port de l’étoile jaune, privant les juifs de tous les droits et les contraignant à mener une existence clandestine. C’est ainsi que Joseph Haffman (interprété par l’excellent Alexandre Bonstein, bijoutier au bord de la faillite, propose à son employé non-juif, Pierre Vigneau, de lui succéder à la direction de sa boutique et de le cacher dans la cave dans l’attente de jours meilleurs. Pierre finit par accepter le marché de son ancien patron mais stérile et en mal d’enfant il demande à Joseph une étrange contrepartie: accepterait il de faire un enfant à son épouse Isabelle ?
Situation en apparence invraisemblable mais on se laisse bien volontiers entraîner grâce à une structure narrative proche d’un scénario de film, à une scénographie sobre et efficace (la cave/la cuisine/le cinéma) et surtout grâce au jeu puissant et juste des cinq comédiens.
C’est une pièce d’amour de courage et de peur dans laquelle des humains cherchent à ne pas trop se perdre dans la nuit noire de l’Occupation.
À voir sans hésiter.
Marcelle Caro (Licra Aura)