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L’édito n°17 de la Licra : « Europe 2024, une course de vitesse ! »

Éditorial de Mario Stasi, président de la Licra

Avec la montée des extrêmes partout en Europe, avec le succès du national-populisme dans les démocraties et notamment en France, une lourde menace pèse sur les démocraties européennes.

Cohérence et unité européennes

Cette Europe, notre Europe, partage une histoire, un héritage politique, et notamment celui d’avoir su triompher de ses divisions et de ses guerres, pour rassembler les peuples sur le principe de l’intérêts commun, de la coopération et de l’union.

On peut formuler de nombreuses critiques en sa direction : trop d’élargissement, trop d’insuffisances, trop de normes, trop peu de poids politique, l’absence d’une défense commune… On peut estimer que trop de territoires et d’Européens sont économiquement fragiles, périphériques ou marginaux. On est en droit, en réalité, d’adresser toutes les critiques que l’on souhaite aux dirigeants européens, comme on est libre de le faire, au plan national, à un gouvernement.

La démocratie européenne, expression de la volonté commune d’États attachés à la paix et aspirant à la prospérité économique, n’en demeure pas moins le fruit d’un effort historique et collectif considérable. Ce chemin est fait de mobilisations, de négociations, d’engagements, ceux des États et de leurs citoyens des décennies durant, pour les droits de l’homme, les libertés fondamentales, le refus de la guerre, des extrémismes, de la violence… Ils ont donné sens, cohérence et unité au projet européen, mais aussi la conscience, forte, d’un droit à la circulation des populations et du brassage des peuples. Ils ont fait son histoire. C’est forte de son histoire que l’Europe ne doit pas abandonner son ambition.

L’Europe est unie, ouverte aux hommes et aux femmes, aux réfugiés, aux exilés, aux influences et aux cultures. Elle n’a pas à craindre d’avoir à renoncer à ce qui fait son identité, toujours en construction. Cette identité n’est jamais figée ni excluante, et c’est par la réalité et la consistance même des principes et des valeurs qui l’anime qu’elle fait face au défi des multi-crises auxquelles nous sommes confrontés : climat, pandémie, conflit armée, terrorisme, guerre de l’information, crise économique…

Les national-populismes, ferments de régression

La critique et la contradiction sont légitimes : elles sont au cœur même du fonctionnement démocratique. Le constat des désaccords et des manquements doit-il conduire à prôner la destruction du « système » tout entier ? Nous ne le pensons pas.

Face aux insuffisances et aux nuages qui s’amoncèlent, la tentation est pourtant grande, chez nos concitoyens, de se rétracter sur une conception erronée du concept de la nation, en exigeant fermeture des frontières, préférence nationale, contestation du droit du sol et nationalisme, que ce dernier soit politique ou économique. Le souverainisme est alors brandi comme la seule réponse possible aux difficultés et aux menaces. Qu’on ne s’y trompe cependant pas, ce miroir aux alouettes est à l’Europe ce que le populisme est à la nation : la séduction opère car cette option a l’attrait de la nouveauté et, il faut bien le dire, parce que la force et l’autorité sont facilement plébiscités quand le sentiment d’impuissance et la désespérance croissent.

Que les extrêmes droites européennes ciblent l’immigration et les immigrés, cela va de soi. Rien de nouveau sur le soleil… hormis la force aujourd’hui conjuguée et coordonnée des partis nationalistes qui développent à foison des discours xénophobes, brandissant la thèse du grand remplacement comme un épouvantail, armant les esprits et même les bras contre tout ce qui ne n’a pas l’apparence physique de l’Européen « type » fantasmé par les identitaires.

Ainsi, pour eux, tout citoyen dont l’ascendance immigrée, extra-européenne, se perd dans les générations passées, devient suspect. Les discours populistes l’attaquent sur ses origines, ses ancêtres, son patronyme, son prénom même, ses goûts culinaires… Sur son attachement à la France pèse un éternel soupçon qui légitime, aux yeux d’une partie de la population, la mise à l’épreuve continue : celui qui est d’ascendance immigrée extra-européenne doit constamment donner des gages pour attester sa citoyenneté. Et il ne convainc jamais.

La « préférence nationale » – rhabillée en « priorité » – prend acte du soupçon, instille le poison de la discrimination dans les esprits en laissant entendre que des individus sont moins égaux que d’autres, qu’un traitement défavorable leur est dû, qu’un statut précaire est leur fait. Le raisonnement est insupportable ! Il est source de fractures et d’aggravation des tensions au sein de nos sociétés. Il va, par nature, à l’encontre des valeurs et principes européens qui constituent, aussi à ce titre, une protection contre les penchants et dérives nationalistes à l’assaut des peuples.

Plus d’esprit européen !

Ne soyons pas lénifiants. Sachons concilier générosité et raison. On ne construit pas les libertés, l’égalité et la fraternité sans règles. Une politique ambitieuse d’intégration, avec des règles et des programmes communs partout sur le territoire européen, est aujourd’hui une obligation pour nos dirigeants européens. La liberté sans règles est un danger pour nos démocraties. C’est cette liberté absolue, qui inspire, par exemple, les dirigeants grandes plateformes numériques ; elle n’est pas la nôtre. Elle est l’antithèse de ce qui nous anime nous, Européens, et que nous voulons renforcer à l’échelle de notre continent : protection, régulation, modération. Mais toutes les règles de sécurité et de contrôle doivent systématiquement être motivées par le respect, l’indispensable sécurité de chacun et le bien-être de celles et ceux qui, dans leur exil, choisissent nos contrées. C’est un défi majeur, à l’heure où le réchauffement climatique alimente en outre, et de plus en plus, ces flux humains.

C’est pourquoi il nous faut continuer sans relâche la construction de notre d’Europe. Plus d’Europe, certes, mais surtout plus d’esprit européen ! Plus d’attachement, de convictions et de politiques communes ambitieuses, sans lesquels notre fédération est condamnée au suivisme, à la perte de vitesse, à l’impuissance et au déclin. La vitesse, c’est ce qui semble animer les extrémistes et haineux de tous poils, ennemis de la social-démocratie, suprématistes, identitaristes, islamistes, complotistes… Les impérialistes belliqueux aussi, alors que l’Ukraine est entrée dans sa troisième année de guerre contre la Russie, dont la volonté de déstabilisation de notre continent est officiellement revendiquée.

Aujourd’hui, 9 mai 2024, nous célébrons l’Europe. Dans un mois, nous voterons. L’Europe démocratique fonctionne. Alors ne l’oublions pas, pour gagner cette une course de vitesse !

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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