En France, les délits racistes et antisémites sont sanctionnés par la loi. Pour des raisons historiques cependant, ces délits sont inscrits, depuis 1939, dans la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, une loi qui sert d’abord à protéger et à encadrer la liberté d’expression, et à protéger les journalistes. Cela signifie que les propos d’un journaliste qui aurait dérapé et ceux d’un individu provoquant à la haine raciale ou se livrant à l’apologie d’un crime contre l’humanité relèvent d’un même régime procédural.
Il s’ensuit que dans les grandes juridictions que sont Paris, Lyon ou encore Marseille, qui concentrent la majeure partie des affaires de racisme, ce contentieux est exclusivement réservé à des chambres spécialisées dans le droit de la presse.
Des propos exprimant de la haine à l’encontre de certains de nos concitoyens, parce qu’ils sont noirs, juifs, roms ou musulmans vont donc faire l’objet de procédures méticuleuses, longues et complexes. Est-il toutefois vraiment besoin de magistrats spécialisés en droit de la presse pour mesurer la nature délictuelle de propos qui n’ont rien à voir avec le débat d’idées mais tout avec la volonté d’exclure, d’humilier et de discriminer ?
De tels propos doivent pouvoir être jugés par l’ensemble des magistrats correctionnels dont la formation à ces délits au sein de l’ENM doit être renforcée.
Des mandats de dépôt ou des mandats d’arrêt doivent être prévus pour garantir l’exécution des peines. Les parquets doivent pouvoir requérir les données de connexion pour identifier les délinquants qui se cachent derrière leur écran. Il faut aussi des peines réellement dissuasives pour les multirécidivistes qui se vantent de leurs condamnations et transforment parfois le tribunal, lors de ces audiences spécialisées en droit de la presse, en tribune médiatique et politique.
Alors que les actes antisémites et racistes progressent et que nos concitoyens doutent toujours plus de l’efficacité de la justice en ce domaine, la LICRA, conformément à une revendication qu’elle porte depuis des années, soutient la réforme envisagée par la ministre, madame Aurore Bergé. Cette réforme vise à sortir les délits racistes et antisémites de la loi sur la liberté de la presse pour la faire rentrer dans le droit commun. Faire du délinquant raciste un délinquant ordinaire et non plus un délinquant d’exception protégé. La loi a pour but de garantir l’égalité en droits et en dignité du citoyen. Qu’elle commence par indiquer clairement ce que sont le racisme et l’antisémitisme : des délits et non des opinions !