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L’été de toutes les sécheresses

Le mot de Mario Stasi, président de la Licra. Publié dans Le DDV • Revue universaliste n°688 « Antisémitisme » – Automne 2022 (En savoir plus).

Dans la chaleur suffocante de cet été de sécheresse, l’insoutenable a soudainement ressurgi, et, avec lui, son cortège d’ambiguïtés et de renoncements. Rattrapé par la terreur islamiste, l’écrivain Salman Rushdie, condamné à mort par l’obscurantisme islamiste depuis février 1989, est passé à deux centimètres de l’irrémédiable, poignardé sauvagement par le bras armé de la fatwa de Khomeini. Un fou d’Allah a porté les coups. Un fou de l’ayatollah plutôt, car aucune religion n’autorise cela. Seule la passion de l’idéologie meurtrière a rendu possible cet acte abject.

L’horreur suscita, certes, indignation et colère. Elle provoqua un mouvement de solidarité à travers le monde mais aussi, hélas, valse-hésitation et contradictions. S’abstenir de condamner l’attentat, douter de l’inspiration de son auteur, ne pas vouloir – ou oser – nommer le mal, le diluer dans une violence abstraite, déconnectée des réalités qui nous assaillent depuis des années… La somme de ces errances et de ces lâchetés constitue une part considérable du problème. Elle assèche la parole politique et la rend même dangereuse, face à un islamisme dont le projet ne varie pas : la subversion des sociétés libres par la corruption des esprits et la terreur.

Corruption par les idées, les actes et les mots. Celui d’« islamophobie » par exemple, dont Rushdie disait, dans une autobiographie publiée en 2012, qu’il « avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles ». L’aveuglement des uns sert les projets criminels des autres. Il rend possible une lecture binaire et victimaire du monde. Il permet d’attaquer, sous la bannière de la justice et de l’antiracisme, les principes fondamentaux sur lesquels est bâtie notre République, à commencer par l’universalisme et la laïcité.

Un antisionisme éradicateur à l’Assemblée

L’aveuglement fait bon ménage avec certaines haines obsessionnelles. C’est dans la chaleur éprouvante de cet été que des députés issus des rangs de la Nupes ont déposé à l’Assemblée nationale une « résolution condamnant l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien ». Au cœur même de la représentation nationale, une trentaine de députés, de ceux qui s’abstinrent, en janvier dernier, lorsqu’il s’agissait de reconnaître, par le vote d’une autre résolution, le génocide des Ouïghours, ont fait entendre un antisionisme éradicateur : reprenant la rhétorique la plus radicale, celle du Hamas, parlant des juifs comme d’un « groupe racial », ces élus de la nation n’ont pas craint d’enflammer, là aussi au nom de la justice et de l’antiracisme, les esprits, d’exacerber les passions, la passion antijuive notamment. 

La Licra a immédiatement protesté, par une lettre solennelle à la présidente de l’Assemblée nationale, demandant à ce que cette résolution ne soit jamais mise à l’ordre du jour. Face au concert salutaire d’indignations, certains députés socialistes ou « insoumis » ont, depuis, discrètement retiré leur nom du texte. Certains des signataires ont prétendu ne l’avoir même pas lu… Étrange conception de la responsabilité politique, que d’aucuns semblent chercher à fragiliser en toutes circonstances, par négligence, opportunisme ou mépris des institutions.

Confusionnisme, errements et pressions

Je n’hésiterai pas à faire un rapprochement entre ces attaques sournoises contre l’État d’Israël – en rappelant que la critique de la politique de ses gouvernants a toujours été libre et légitime – et les insupportables propos de Mahmoud Abbas tenus sur le sol européen, en Allemagne, au mois d’août. Familier des saillies antisémites, le président de l’Autorité palestinienne a comparé la politique israélienne envers les Palestiniens au génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. La piteuse « clarification » du dirigeant palestinien qui a suivi ne change rien à la gravité de l’affaire : l’action des incendiaires des uns se conjugue à la sécheresse morale des autres pour tenter d’enflammer l’opinion dans une conjoncture malmenée par la guerre en Europe et la crise sociale.

À la Licra, nous continuerons à lutter sans relâche contre l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, quels que soient ses masques et habits, neufs ou usés. Nous continuerons à l’appréhender dans sa singularité. Nous resterons attentifs et intraitables face aux graves errements de certains parlementaires, sensibles aux pressions exercées par des groupuscules. Nous continuerons de rappeler à leurs responsabilités, à leur histoire et à leur exigence morale, certaines associations ou instances, qui, sous couvert de défense des droits de l’homme, cultivent à souhait l’ambiguïté.

Refusons l’assèchement de la conscience universelle !

Mario Stasi,
Président de la Licra

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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