Édito de Mario Stasi, Président de la Licra, publié dans Le DDV n°683 – Juin 2021
Nous traversons – et nous subissons – un âge identitaire. Une pluie d’assignations et de revendications liées aux obsessions de notre époque s’abat sur notre socle commun qui prend l’eau et s’érode, peu à peu. Un jeune d’origine maghrébine est souvent appréhendé comme un « musulman », comme si l’athéisme, ou toute autre option religieuse, était inenvisageable le concernant.
Dans bien des esprits, les traits physiques, la couleur de peau, demeurent ce qui définit l’individu en premier mais également en dernier lieu. La judéité excite le fantasme identitaire, qui ne se discute pas et expose à la vindicte de préjugés qui peuvent mener jusqu’au passage à l’acte. Appartenir à la communauté rom assure d’éprouver physiquement la stigmatisation dans toute sa violence. Le « blanc » sert à son tour de défouloir à des racialistes ineptes et dangereux qui ne savent voir en lui rien d’autre que l’héritier d’un colonialisme censé perpétuer sa domination par un « racisme d’État ». Quant au non-blanc, il est lui aussi condamné à porter le fardeau de l’histoire, figé à jamais, comme dans un musée de cire, dans la posture d’un descendant d’esclaves. Nous vivons une époque politique où l’on veut nous imposer, comme le redoutait Aimé Césaire, une « vision carcérale de l’identité ».
Ce piège fait son miel de l’incompréhension et de la peur, de la recherche frénétique de la petite différence, et d’un goût aujourd’hui prononcé pour la radicalité. Ce qui prend parfois l’apparence d’une fièvre – en témoignent l’emballement médiatique et la promptitude avec lesquels le monde intellectuel et politique s’empare des polémiques –, doit être observé avec vigilance, nuance, et attention. Il y a l’écume mais aussi des lames de fond. Racialisme, islamisme ou identitarisme d’extrême droite sont autant de pluies acides d’un même orage s’abattant sur notre civilisation et qui prospèrent sur la haine de soi et de l’universel, tout en l’irriguant jour après jour…
Sous couvert de concurrence et d’affrontements, il y a comme une entente tacite : les uns et les autres attirent des clientèles qui se nourrissent de leurs excès respectifs ; les frasques des uns font monter la cote des autres. Quand les racialistes prônent la non-mixité, quand les communautaristes mettent certains quartiers en coupe réglée, des militaires à la retraite ou courageusement anonymes accouchent de tribunes séditieuses en promettant de sauver la civilisation, fût-ce au mépris de la République et de la démocratie.
Face aux identités instrumentalisées et malheureuses, nous, antiracistes universalistes, n’avons d’autre objectif que de faire renaître des identités heureuses. Contre cette chape étouffante qui veut faire taire le libre arbitre et l’esprit critique, en pesant de tout son poids pour contrôler notre liberté d’opinion et de création, nous avons la prétention de faire respirer l’universalité de nos valeurs, cette idée que nous sommes des êtres pluriels, le résultat de constructions complexes, le fruit conjugué du hasard, de la nature et de la culture, le produit de parcours multiples et croisés, qui doivent à la volonté mais aussi aux aléas de l’existence. L’universalisme ne saurait être la matrice d’une uniformité qui écraserait et nierait les identités. Dans ce cas, ce projet et cet idéal républicains ne vaudraient pas mieux que le plus grossier des identitarismes. L’universalisme ouvre au contraire à chacun la voie de l’approfondissement de sa singularité, l’accès à la conscience de son unicité dans le rattachement à une humanité commune. C’est le dépassement d’une identité riche et complexe. L’identité est toujours « plus ». Elle n’est pas « que cela ». Elle est en définitive ce que l’on désire qu’elle soit, tout en conservant cette part d’inattendu, d’indéfinissable et de changement, qui ne se laisse ni réduire, ni muséifier. « Ce que nous sommes ne peut passer ni dans un mot ni dans un livre », écrivait
Fernando Pessoa.
Ne ménageons donc ni les mots, ni les idées, pour résister aux entreprises de démolition de notre République universaliste qui atomisent et fractionnent le corps social. Déployons le dépassement de notre identité si riche et si complexe pour une humanité commune et sortons de l’âge identitaire !
Mario Stasi,
Président de la Licra
L’antisémitisme et le racisme anti-blancs sont les deux seules formes de racisme qui sont non seulement tolérées mais encouragées.
On insistera jamais assez sur le rôle nocif, sur la toxicité de certains médias publics ou subventionnés par l’État (Libération, Courrier international etc) qui à l’instar de la presse d’outre-Atlantique non seulement désinforment mais diffusent des messages de haine et de division. On en est arrivé à un point où la radicalisation des médias traditionnels dépasse celle des réseaux sociaux ! (Et je n’exagère pas)