ActualitésAnalyseY-aura-t-il un « monde d’après » ?

Y-aura-t-il un « monde d’après » ?

La période inédite que nous traversons a créé une angoisse collective sur le monde que nous allons trouver au déconfinement. Depuis plusieurs semaines, on a vu apparaitre une génération spontanée et optimiste de Nostradamus, tous plus imaginatifs les uns que les autres, pour prédire ce que sera le monde après le Covid. Tous partagent le même enthousiasme et les mêmes facultés en matière de pensée magique. Ils partagent tous aussi le même penchant bien naturel qui consiste à projeter sur l’avenir leurs propres intérêts, leurs idéologies leurs lubies ou même leurs fantasmes. Tous instruisent des procès inespérés et inassouvis avant de décréter un horizon sans coupables, un monde à leur main. D’autres, chez les pessimistes, ressassent que le monde d’après serait le même que celui d’avant la crise, leur thèse étant que tout ceci n’était qu’une parenthèse, et, pour reprendre la fameuse réplique de Tancrède dans Le Guépard, qu’il a fallu que tout change, quelques semaines durant, pour que rien ne change. D’aucuns, enfin, se contentent de prévoir le monde … d’avant avec un aplomb qui laisse pantois et qui confirme cet aphorisme de Clemenceau selon lequel « chacun sait que les critiques d’après-coup ont pour principal avantage de vous mettre en état de prévoir ce qui est arrivé ».

La réalité risque de décevoir les premiers, de surprendre les seconds et de flétrir les derniers. Avant toute chose, il importe, véritablement, de regarder avec les yeux de la raison et de la critique la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Cette crise a tout d’abord modifié notre relation collective à la vie et à la mort. En France, la visibilité de la mort s’était éloignée de nos réalités et l’idée que des vies pouvaient, en masse, disparaître au point de remplir des hangars entiers du marché de Rungis semblait appartenir à un autre siècle. Ce retour brutal et intempestif de la fragilité de la condition humaine aura des conséquences immédiates sur les familles qui ont perdu un être proche mais aussi plus lointaines sur notre manière de vivre les liens avec nos parents, nos enfants, nos amis, nos collègues. Ce traumatisme, invisible, n’en sera pas moins durable.

Surtout, cette crise a modifié notre rapport à l’autre. La « distanciation sociale » nous a éloigné les uns des autres et il ne faudrait pas que cet éloignement physique, compensé par l’utilisation de nombreux supplétifs numériques, soit doublé, à terme, d’un éloignement social, économique, culturel et politique. Il y aura urgence à nous retrouver, à reconstruire une oeuvre commune, à sortir, psychologiquement au moins, de nos appartements et de nos maisons pour renouer avec une fraternité qui regarde chacun avec la même considération et qui lui reconnaît sa valeur. Il y aura urgence à retisser des liens qui, déjà fragilisés par l’individualisme et une société d’archipels, ont été rompus brutalement.

Enfin, avant de sortir les planches à dessins pour tracer les plans sur la comète d’après, il y a nécessité de comprendre qui a voulu profiter de la crise. La peur créée par l’épidémie a généré de nombreux dividendes au bénéfice des fauteurs de haine. La nécessité sanitaire de fermer les frontières a donné des ailes au populistes qui en rêvaient depuis des années pour claquemurer leurs pays dans un illusoire pré-carré et ont vu dans cette mesure une justification de leurs théories. En France, l’extrême-droite tente de récupérer la mise poujadiste et fait feu de tout bois, expliquant, à seulement deux semaines d’intervalle et sans désemparer, qu’annuler le premier tour des municipales s’apparentait à un coup d’État et que son maintien avait été une catastrophe sanitaire.

Le complotisme a désigné à l’opinion des salauds putatifs et a réveillé les escrocs de la falsification et du mensonge antisémite. La xénophobie, partout, est exacerbée et celui qui est différent est forcément responsable : en Chine, les noirs sont devenus des indésirables tout comme les Haïtiens au Chili sont accusés de véhiculer la maladie. La stigmatisation des asiatiques n’a jamais été aussi répandue et chaque jour, dans le monde, les exemples les plus affolants montrent la vulnérabilité aux discours de haine en période de crise.

Il est impossible de savoir quel sera le monde d’après. En la matière, le doute et la modestie devraient infléchir les plus présomptueux. Une certitude, pourtant, demeure, et n’a jamais été aussi vraie : le monde nous appartient, il sera ce que nous en ferons, indépendamment des mauvais prophètes et des druides prévisionnistes qui, en rêvant leur meilleur pourraient nous conduire au pire. C’est sans doute en exerçant la plénitude de nos libertés, de notre volonté, de notre esprit critique, presque de manière jouissive, que nous pourrons, et ce sera déjà beaucoup, laisser à nos enfants un monde d’après à peu près digne, sans avoir ni regrets ni amertume.

Mario Stasi, Président de la LICRA et Stéphane Nivet, Délégué général

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

3 Commentaires

  1. Je ne vois pas ce qui va changer ou a changé !
    Cette période covid sera vite oubliée… Perso, j’ai trouvé que c’était une période assez cool et je n’ai rien changé à mes habitudes…

  2. ouf ! enfin les jours heureux du président sont en vue 3,6 milliards de dividendes versés aux actionnaires de Sanofi en mars 2020 mais venons-en au fait c’est monde d’avant ou monde d’après ? monde de toujours va !

  3. le Monde ne pourra plus etre comme avant. L’homme va disparaitre de la surface de la TERRE S’il continu comme il fait !!! En Amazonie,on coupe les arbres ce qui fait que les moustiques qui sont a 11metres du sol descendent et piquent les Hommes. Voila le résultat ! Le Monde devra etre plus FRATERNEL avec plus de valeurs HUMAINES de PARTAGE ,de SOLIDARITE, de FRATERNITE,du sens de la LIBERTE avec la RESPONSABILITE. Cordialement et Amicalement votre.

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