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La jeunesse en renfort

Le mot de Mario Stasi, président de la Licra. Publié dans Le DDV • Revue universaliste n°689 « Avec ou sans les jeunes ? » – Hiver 2022 (En savoir plus).

La question de l’immigration n’est pas près de disparaître de nos préoccupations nationales. Comment cela se pourrait-il alors que les crises géopolitiques et climatiques poussent des populations à prendre le chemin de l’exil et des risques extrêmes dans l’espoir d’échapper à la guerre ou à une vie devenue matériellement impossible ? L’immigré fait traditionnellement l’objet d’attitudes de rejet en période de crise, lorsque le marché économique se contracte, que l’inflation redouble et que la démagogie populiste brandit la figure de l’étranger prédateur, menace pour les richesses, la sécurité et l’identité nationale.

Sans se montrer aveugle aux difficultés que pose l’immigration dans un pays qui s’est construit dans un double mouvement d’assimilation et de rejet de l’étranger, il entre dans nos objectifs de combattre les discours qui tendent à criminaliser ceux que les accidents de l’Histoire, ont plongé dans des situations impossibles.

Nous voulons le faire avec lucidité et responsabilité, car la générosité demande toujours un effort. Depuis la nuit des temps, les hommes circulent pour se nourrir et vivre mieux, ou simplement survivre. Pas plus que nous ne saurions faire sans l’immigration au plan économique, nous ne saurions matériellement tarir les flux qui font converger vers l’Europe des personnes plongés dans le plus complet dénuement, à la merci de passeurs ou de réseaux esclavagistes.

Nous n’avons dès lors d’autres ambitions que de veiller à l’amélioration de la prise en charge et, le cas échéant, l’insertion de ces personnes, dans la dignité et l’égalité des droits, de telle sorte que l’abandon et le dénuement ne les conduisent pas à des solutions qui viendraient donner un début de fondement à la haine xénophobe. Avant d’être un sujet politique, l’immigration est une réalité humaine.

Une association intrinsèquement politique

L’État n’est pas la solution en tout mais il peut constituer un rouage décisif de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. La Licra a toujours été convaincue, depuis sa création, en 1927, de la nécessité de travailler avec les pouvoirs publics et non contre ces derniers. Qu’il s’agisse de la question de l’immigration, des réfugiés, de la sécurité des citoyens, de la justice ou de l’éducation, on voit mal comment l’on pourrait agir efficacement en s’inscrivant dans une opposition systématique au gouvernement voire à l’État, comme le font certains entrepreneurs identitaires. Depuis les années 1930, la Licra, sans s’interdire la critique, sollicite les pouvoirs publics pour renforcer la responsabilité institutionnelle, encourager les réformes et le volontarisme politique. C’est ce qui fait d’elle une association intrinsèquement politique.

Précisément, le racisme et l’antisémitisme ne se combattent pas par des postures ou la simple mise en place de dispositifs, juridiques, éducatifs ou interministériels. Pour parler d’une politique d’État dans ce domaine, encore faut-il animer ces dispositifs et leur conférer un rôle dynamique : ils constituent des instruments de l’action et non une fin en soi. Je veux ici rendre hommage à ce qui a déjà été fait, tout en réclamant qu’il soit fait bien davantage. Au plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme du gouvernement d’Édouard Philippe succède un nouveau plan dont nous attendons qu’il porte la marque de ce volontarisme. Nous attendons aussi l’application nationale du règlement européen sur les services numériques et le début d’une véritable régulation des réseaux sociaux. Face à une haine mondialisée, il n’y a de politique qu’ambitieuse. Nous y veillerons et serons force de proposition. La République est antiraciste : il faut l’entendre et le faire entendre.

Une nouvelle génération de militants

Ce numéro du Droit de Vivre a pour thème la jeunesse. Notre revue veut poser sur celle-ci un regard à la fois interrogateur et (auto)critique. On pourrait partir, en effet, du simple constat d’une désaffection des jeunes pour une association presque centenaire. La problématique dépasse en réalité la Licra. Aujourd’hui, le « canal historique » de l’antiracisme séduit moins : crise du militantisme, vieillissement des adhérents, thèmes peu mobilisateurs voire contestés par une jeunesse sensible à de nouveaux combats, paradigmes, concepts ou slogans, tentation de la radicalité… Avec ou sans les jeunes ? Avec eux, bien sûr ! C’est la raison pour laquelle nous avons réactivé le réseau des jeunes de la Licra, qui représente l’avenir du mouvement antiraciste. C’est aussi la raison d’être de ce dossier qui est une invitation à écouter, pour mieux comprendre, et à élargir nos champs d’intervention.

Comme la laïcité ou l’universalisme, l’antiracisme est une idée neuve, qui exige, elle aussi, un plébiscite de tous les jours et une constante réinvention. Engagez-vous !

Mario Stasi,
Président de la Licra

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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